Teknival du 1er Mai 1998 - Gadouland - Melun - les Ecrennes

On l'attendait depuis longtemps dans l'idée de retrouver la bonne ambiance et le soleil que l'on avait eu l'année dernière en Normandie. Mais dès le début, lorsque les camions s'enlisent jeudi soir et que les sound-systems se 'battent' pour le seul tracteur capable des les aider, on sait que le Teknival ne sera pas le même que l'année dernière. Camtars après camtars toute la nuit le tracteur sors les roues de chacun. Les Furious et Heretics seront ensemble les premiers en place. pH :4 et Architek vers 13 heures mettront en marche leurs 19 kilos.

De nombreux sound-sytems affluent jour après jours se posant en général là où leur camions les a abandonnés. A l'extérieur de la clairière, autrefois verte mais rapidement couleur boue, les voitures se garent le long de la route. Trois rangées de voitures rendent toute circulation impossible. C'est peut être pour cela que l'hélicoptère de la gendarmerie survole régulièrement le site. Le bitume disparaîtra à son tour sous la boue... mieux valait laisser sa voiture là. C'est sûrement ce qu'ont pensé aussi certains sound-systems préférant s'installer sur le bord de la route.

C'est dans la nuit de vendredi à samedi que le 'Teknival 98' accueillera le plus de teufeurs. Tout le monde évolue assez difficilement dans la trentaine de centimètres de boue, mais c'est la fête, et attendant ce Teknival depuis fort longtemps, on essai d'oublier. Le Sound Conspiracy (regroupant les tribes OQP, FACOM et TOTAL RESISTANCE) que de nombreux teufeurs et journalistes nommeront à tord Spiral Tribe, offriront un véritable spectacle : sky tracer, échafaudage recouvert de toiles de lights et de strombos, mur d'enceintes impressionnant, et une musique trop rare en France. Que ce soit des mix ou des lives, les Conspiracy feront sortir de leur mur de la musique techno inconnu pour nous pauvres teufeurs frenchy.

Jeff, Les Boucles Etranges (Net23), Simon (Facom)... les lives-acts sont nombreux et parfois étonnant comme lorsque ces deux MC chantaient sur un live. Tout autour les bus, les semis les camionnettes se -garent- tant bien que mal. La pluie se mêle à la partie et ça devient vraiment décourageant. Le teknoland se vide petit à petit, les journalistes sont partis les gendarmes arrivent, et dans la nuit de dimanche à lundi nous ne sommes pas plus de mille a se réchauffer tant bien que mal près des petits feus en manque de bois.

Dans la mâtinée, la brigade d'intervention de la gendarmerie se déploie sur le teknoland. 50 hommes en armes organisent une battue et font sortir tout le monde du terrain excepté les conducteurs des camions. Beaucoup auront pris garde à sortir leur voiture dans la nuit y passant parfois jusqu'à 12 heures ! 4 ou 5 tracteurs d'agriculteurs du coin aideront tout le monde à sortir sous le regard des gendarmes. Rien de cela ne sera gratuit et certains pratiqueront des prix plus qu'abusifs mais bien sûr... qui s'en inquiète à part les teufeurs ?

Par Alexis Bernier et Sarah de HARO (RIP)

«Tout droit pendant trois kilomètres et puis à droite dans le bois.

Vous pouvez pas la rater, il y a les flics pour montrer le chemin.» Treillis et catogan, un traveller souriant accoudé à son camion en plein centre des Ecrennes (Seine-et-Marne) indique la direction aux centaines de voitures, camions et apparentés, qui ont parfois traversé la France pour faire la fête gratuitement en pleine nature. La gendarmerie, débordée, laisse faire. Le Teknival du 1er Mai est devenu une tradition que les ravers les plus radicaux attendent dès janvier. Celui de l'année dernière, en Normandie, avait rassemblé près de 15 000 personnes pendant cinq jours. Cette année, dans une vaste clairière au fond de la forêt de Villefermoy rendue marécageuse par les récentes intempéries, ils étaient plusieurs milliers dès vendredi à monter les sound-systems, les tentes de camping et les différents stands (Coca, bière, thé, crêpes et ballons de protoxyde d'azote, à l'effet euphorisant garanti).

Photos issue du Coda Mag de Décembre 1998 - Cliquez pour agrandir

Les Anglais font preuve de la meilleure organisation: espace couvert, bâches sur le dancefloor, petits plats chauds. Les Spiral Tribes sont comme toujours les rois de la fête. Ces nomades techno, sur la route en famille depuis plus de dix ans, ont été les pionniers des raves clandestines au Royaume-Uni jusqu'à leur interdiction ferme en 1994. Cette fois-ci, ils ont installé trois sites différents, les plus grands, les plus décorés et les mieux sonorisés du rassemblement. Autour d'eux, une vingtaine de sound-systems français, parfois très pros, le plus souvent loués la veille chez Kiloutou après des mois d'entraînement au mixage dans le garage de papa. Goût de glaise. Tout un village s'est construit en quelques heures, quelque part entre bidonville, Woodstock et camping municipal. Ses habitants circulent d'un bout à l'autre en trébuchant régulièrement dans les flaques d'eau, chaussures et pantalons maculés de boue, à la recherche d'un feu de bois ou d'un dancefloor praticable. Quelques-uns se retrouvent, beaucoup se perdent.

Photos issue du Coda Mag de Décembre 1998 - Cliquez pour agrandir

Avec la nuit, les repères se brouillent: des éclats de lumière montent jusqu'aux nuages et les sons se mélangent en un maelström de basses, tel un coeur au bord de l'infarctus, parfois lacéré de «bleeps» acides. Transcore et hardcore dominent: ici, pas de quartier pour les amateurs de house. Le plaisir de danser dans les flaques laisse vite place au découragement tant la glaise colle aux chaussures. Du coup, on lie connaissance autour d'un thé. Dreadlocks et piercing, Gilles raconte son itinéraire: «Je viens du Sud. J'ai tenu une épicerie pendant deux ans. Maintenant, je ne fais plus grand-chose. Je lis beaucoup et j'essaie de populariser le billard népalais, auquel on ne peut jouer que si on est cool.» Parfois, les rencontres sont moins folkloriques. Tremblant de froid, l'air hagard, un garçon demande la direction du métro Bastille. Pour lui, ce sera plutôt direction Médecins du monde, qui tiennent une tente de prévention et de chill-out (repos). Outre l'accueil, la Mission rave de l'association analyse le contenu des ecstasys qu'on leur apporte, et offre boules Quiès, eau et plaquettes de prévention sur l'usage des drogues. A l'autre bout de la fête, Techno Plus et Asud (association d'autosupport pour les usagers d'héroïne) distribuent seringues propres, fruits et préservatifs. Les ravers apprécient la présence de ces postes de secours qui ne font pas la morale. Plus la nuit avance, plus leurs chill-out ont du succès. Vers cinq heures du matin, quand la pluie joue les trouble-fête, on se réfugie dans les tentes et les voitures. Pour les moins résistants, il est temps de prendre le chemin du retour. Underground d'accord, mais les pieds au chaud .