Cette Interview n'a pas été réalisée par et pour Bass Expression il s'agit de Leech
Interview de Guillaume Kosmicki auteur du livre Free party : une histoire, des histoires
Interview de Guillaume Kosmicki ecrivain
- Qu’est ce qui t’a poussé à vouloir raconter l’histoire des free parties?
Ça fait longtemps que je suis concerné par le sujet. Lors de mes premières raves et de mes premières free parties, en 1994-1995, j’étais aussi étudiant en musicologie. Un prof (Jean-Marie Jacono) m’a proposé de mener une maîtrise sur le sujet l’année suivante, sous sa direction. J’ai accepté et j’ai endossé dès lors deux casquettes : celle du teuffeur (parce que ce mouvement me parlait vraiment et que j’y sentais des réponses à mes aspirations) et celle du chercheur, et puis bientôt trois, avec celle de musicien (sous le nom de Tournesol, au sein du collectif Öko System). Ça a été le cas pendant de nombreuses années ensuite, et j’ai eu l’occasion d’écrire un certain nombre d’articles sur la question, de 1997 jusqu’à aujourd’hui. Je n’ai donc jamais cessé de m’y intéresser.
C’est mon éditeur, Yves Jolivet (Le Mot et le Reste), avec qui j’avais déjà travaillé en 2009 pour « Musiques électroniques : des avant-gardes aux dance floors », qui m’a lancé sur ce nouveau livre. On a élaboré ensemble le projet. il s’agissait de ne pas écrire un livre universitaire, ni de le saupoudrer d’analyses sociologiques, mais bien de laisser parler des acteurs, non anonymes, sans masque et sans sujet tabou, de leur propre expérience dans le mouvement. Ça fait des années qu’ils ne se montraient pas au grand jour, de par la nature clandestine du mouvement. Aujourd’hui, alors que bien d’entre eux avaient changé de voie, ils se sentaient beaucoup plus de s’exposer ainsi. Le but était aussi de montrer comment ce mouvement avait influencé leur vie, en fonction de ce qu’ils faisaient aujourd’hui (et malgré des parcours très variés).
- Comment as tu choisi les intervenants?
Tout cela s’est basé sur la confiance. J’ai longuement expliqué le projet à chacun d’entre eux, je leur ai bien dit ce que je comptais en faire, c’est à dire pas du tout un travail de journaliste, mais un vrai recueil de témoignages sincères, sur des données brutes : ce qu’ils accepteraient de me livrer. Je les remercie vraiment de ce qu’ils m’ont fait passer.
Au départ, j’avais tablé sur une 15aine de témoins. Je souhaitais un panel varié, à l’image de la free party, sans hiérarchie : des personnages « historiques » comme des anonymes, des musiciens, des membres de sound-systems, connus et plus discrets, des anciens, et des (très) nouveaux, des électrons libres, des cuisiniers etc. Rapidement, le panel est passé à 20, puis à 30, et j’ai dû me faire violence pour m’arrêter à 43 témoins en tout…
Certains me disaient ne pas du tout se sentir « représentatifs » de la chose, mais justement, tout le monde l’est au même titre, c’est bien là l’objet de ce livre, où l’on trouve des membre de la Spiral Tribe, des Heretik, de Sound Conspiracy aux côtés de bergers, de squateurs, de performers…
- Combien de temps cela t’a t il pris pour écrire ce livre?
Le travail de l’enquête proprement dite a débuté en juillet 2009 et s’est achevé un an plus tard. La rédaction, quant à elle, s’est étalée de juin à août 2010, mais nous avons dû encore remanier et travailler jusqu’à octobre avec la maison d’édition. Un an et demi en tout, donc.
Mais les relations de confiance et la connaissance du milieu ont débuté à partir de 1995, c’est donc un parcours de longue haleine de ce point de vue-là ! Une enquête de 1997 s’est rajoutée dans le coeur du livre, en complément. J’ai aussi rédigé des chapeaux introductifs qui ont pleinement profité de ce parcours de 15 ans dans la free party.
- Est ce facile de trouver un éditeur pour ce type de livre? Quel a été le deal?
Comme je te disais, c’est lui qui m’a proposé ce travail, ça n’a donc pas été compliqué. En revanche, on devait s’acheminer vers 400 pages, et il a été très surpris par l’ampleur quand j’ai rendu mon manuscrit en août. Il a fallu évidemment en rediscuter, renégocier différents passages, revoir, retravailler, couper, arranger… Ça a donc donné plus de 700 pages (avec un cahier photo et une chronologie complète). Mais malgré sa surprise et ces remaniements nécessaires, il m’a quand même soutenu tout au long du projet. C’est quand même assez remarquable sur un sujet tel que celui-là, encore un peu sulfureux malgré les années passées, et surtout hors des sentiers battus.
- A combien de ventes penses tu arriver?
Je ne pense rien de mon côté. La vente des livres atteint rarement les sommets que peuvent atteindre certains autres médias, mais il a été tiré dans un premier temps à 3000 exemplaires, et il trouve un bel écho déjà, depuis décembre dernier, il fait son bonhomme de chemin. J’en suis heureux car il est basé sur la sincérité des témoignages, et les lecteurs le sentent, c’est pour ça qu’il est apprécié, je pense.
- As tu eu un plan promo de la part de ton éditeur? Si oui, lequel?
Outre les envois à des journalistes concernés, nous avons mis en place un certains nombre de soirées de promotion. Ce sont des événements qui parfois s’associent à une diffusion du film « Heretik : We had a dream », sorti en même temps. Mon éditeur me fait entièrement confiance pour ces soirées, et il m’aide pour la com’ et pour certains frais. Pour le reste, je le fais en accord avec des salles plutôt alternatives et sous différentes formes (j’y donne parfois une conférence, ou alors on tient une table ronde, il y a de la musique, un plus ou moins grand nombre d’artistes selon les lieux).
Nous avons déjà donné une soirée au Daki Ling (Marseille) en novembre, une au Jardin Moderne (Rennes) en décembre, une à l’Olympic (Nantes) en janvier, une autre à l’Hybride (Lille) en février, une au Confort Moderne (Poitiers) en avril, à leur invitation.
La prochaine se tient le 6 mai à Arles (conférence et diffusion du film Heretik à la Maison de la Vie Associative puis soirée musicale au Cargo de Nuit avec Rokette 77 Heretik, Nikol et moi-même).
http://www.cargodenuit.com/evenement/ra … of-a-dream
- A aucun moment tu n’as eu peur que le résultat soit trop académique de type thèse universitaire ?
Le parti pris de départ rendait totalement impossible ce genre de crainte. Des témoignages, rien que des témoignages… Évidemment, j’ai mis tout cela en forme, j’ai croisé les témoignages, rassemblé dans des parties, trouvé une logique, mais tout cela de manière discrète. La tâche n’a pas été mince, car il s’agissait de faire coincider deux chronologies : celles des témoins concernés et de leur parcours de vie, et celle de la free party en général, de 1988 à 2010. Les trois parties qui composent le livre sont basée sur la première chronologie : « La découverte », « Franchir le pas » puis « Et après… ». Mais au travers d’elles, on a une chronologie générale qui va des débuts (l’Angleterre) aux derniers sons créés, après la loi française de 2001.
- En fonction de quels critères as tu choisi les morceaux qui apparaissent sur le cd offert avec le livre?
NO SACEM INSIDE, à l’image de la free party, ou tout au moins celle des débuts. Difficile car beaucoup de musiciens importants sont aujourd’hui inscrits, mais j’ai tâché de mettre un panel varié de tous les styles, et aussi de retrouver quelques morceaux anciens significatifs (en vérité au moins un, les autres étant plus récents). J’ai souhaité aussi mettre un certain nombre de morceaux en rapport avec les gens interviewés. Après, il est certain que j’aurais pu faire 10 CDs aussi, que j’aurais aimé y mettre du Spiral Tribe, du Sound Conspiracy, du Heretik, du Hekate, du Triphase, du FKY, du Mem Pamal et tant d’autres… Des questions de droits, de place, de temps, de rapidité des réponses : tout cela amène des contraintes supplémentaires…
- Penses-tu que le « mouvement » free party se renouvelle ou au contraire ne tourne-t-il pas en rond à essayer de reproduire ce que les ainés ont fait?
J’ai été moi-même très surpris de constater la vigueur du mouvement au travers des témoignages recueillis chez les plus jeunes, surtout en Bretagne. J’avais l’impression toute personnelle (mais largement partagée par les « anciens ») que c’était largement sur le déclin. J’ai eu le plaisir d’entendre des discours frais, revêtant la même candeur utopique de ce que j’entendais en 1995. Ça m’a fait plutôt plaisir !
Et puis j’ai été heureux de constater ces dernières années un joli changement dans la musique. La hardtek, la tribe et le hardcore, qui me semblaient tourner en rond, sont largement concurrencés par de nombreux autres styles en teuf (minimale, dubstep, psytrance, progressive, acid techno etc.). Le kaki disparaît, la couleur revient. La déco se développe grandement, les pratiques changent aussi. Certes, il n’y a pas d’invention d’un modèle radicalement nouveau, mais ce n’est pas tous les jours que l’on peut fonder un modèle ! Celui de la techno a commencé à apparaître à la fin des années 80, et n’a cessé d’évoluer depuis avec son histoire…
- Que penses tu de la situation actuelle (risques de saisie, annulation par les mairies quand soirées en salles, répression)? Comprends tu le fait que des communes en ai marre voir débarquer des gens sur des terrains et se barrer 48h00 après en ayant retourné l’endroit?
Effectivement, la massification des free parties n’a rien amené de bon. On revient aujourd’hui a des événements bien plus restreints, et ça ne me gêne pas, bien au contraire. Il existe toujours des free pur jus, illégales, clandestines, cachées. Beaucoup d’événements hybrides, légaux, sont apparus, pas forcément de mauvaise qualité. Il est bon de constater des fêtes en accord avec des mairies ou des propriétaires, mais tout aussi « libres » sur bien des aspects (j’en ai vues de nombreuses en Bretagne). Je ne suis pas (plus !) défaitiste sur l’état de ces fêtes. Après la vague de répression, on a pu recommencer à revoir de jolis événements. La répression, au passage, n’a pas du tout aidé à ce que les choses se passent bien ! On devait se tirer très vite, pour ne pas se faire attraper, et souvent, c’était au détriment de l’état du lieu… Il est essentiel de s’en rendre compte.
- Penses tu qu’il faille absolument collaborer avec l’etat pour poser une free (ou teknival) ou alors l’indépendance totate et sauvage est la condition ultime?
J’aimerai toujours l’indépendance, et je sais qu’elle est toujours possible à des échelles raisonnables. Mais comme je te dis, j’ai vécu des très beaux événements dans d’autres contextes, dans la légalité, et qui conservent bien des aspects qui m’ont séduits dans les free parties :
- pas de début et pas de fin marqués
- pas de barrières
- pas de scène et de stars
- un principe de prix libre ou de prix très bas (pas de logique de profit)
- la possibilité d’un certain hédonisme non contraint
etc.
- Qu’écoutes tu en ce moment?
Popof, Geeez n’ Gosh, et énorménent de musique classique.
- Quels sont tes projets?
Un livre sur « 150 oeuvres pour comprendre la musique savante au XXème siècle » (programmé pour l’année prochaine).
Un livre dans le même genre que « Free party », mais sur le sujet des squats européens, voire plus loin (USA…).
Liens :
http://guillaume-kosmicki.org
http://atheles.org/lemotetlereste/attitudes/freeparty
http://atheles.org/lemotetlereste/forme … ctroniques
Cette Interview n'a pas été réalisée par et pour Bass Expression il s'agit de Leech
Retrouvez un recensement des livres traitant de la culture techno à cette adresse : https://www.bassexpression.com/viewtopic.php?id=350
SOURCE : DESPERATE BLOGLIFE