Les Free Parties des 90s reviendront elles un jour ?
Elles ont été le point culminant de l’explosion et de la médiatisation de la culture techno des années 90 : les free-parties, également appelées rave-parties, ces rassemblement de fêtards dans des champs ou des entrepôts désaffectés se font autour du seul plaisir de faire la fête gratuitement, sans se prendre la tête, pour le plaisir de la communion autour de la musique.
Aujourd’hui, on voit beaucoup de vieux teuffeurs regretter cette époque bénite et prier pour le retour de cette philosophie de vie qu’était au final la culture des free-parties. Mais verra-t-on un jour les free-parties revenir en force ?L’HISTOIRE
Si l’on regarde dans un dictionnaire franco-anglais, la traduction que l’on vous donnera pour le terme rave est le suivant : s’extasier, s’emporter, délirer. Et c’est de ça dont il s’agit. Véritable chef de file des mouvements contestataires, les tous premiers usages du terme rave-party remontent au fêtes bohémiennes des années 50 en Angleterre, pour être ensuite brièvement utilisé par la culture mods des années 70, avant de connaître ses véritables lettres de noblesse au milieu des années 80 avec l’explosion des free-parties acid et house en Angleterre. Le mouvement techno connaissant quelques remous juridiques et culturels au pays de Shakespeare, avec notamment des lois d’heures de fermeture des clubs, une régulation de la vente d’alcool plus stricte, et la reprise du mouvement rave par des promoteurs désireux de s’en mettre plein les fouilles, c’est au début des années 90 que des sound-systems anglais décident de s’exiler en France pour pouvoir vivre pleinement le mode de vie free-party. C’est le cas des bien connus Spiral Tribe, qui deviennent l’épicentre du mouvement free et le noyau dur de sa philosophie. Le mouvement explose au début des années 90, alors que des rave-parties légales (c’est-à-dire encadrées), côtoient des soirées techno en dehors de tout cadre : les fameuses rave-parties «free». Rassemblement autour de la philosophie du free, jouant le double sens du mot (gratuité et liberté), ces fêtes prospèrent durant cette période, allant de la petite fête intimiste aux gros rassemblements appelés Teknival, événements en eux-même ou en marge des gros festivals musicaux (certains se rappelleront des «Trans’Off»).LA CONTROVERSE
Prônant la culture du free (en tant que libertaire et que gratuite), le mouvement se retrouve rapidement submergé par un certain nombre de controverses. Elles en viennent malheureusement entacher la belle philosophie des raves. Au nombre de celles-ci ont compte notamment la consommation de substances illicites et les problèmes de nuisances et de squat. Alors que certains voient les free-parties comme un lieu propice aux messages politiques contestataires ou aux élans spirituels d’union, de simplicité et de communion, c’est une autre image qui ressort dans les médias, et qui ternira le mouvement à partir de la seconde moitié des 90’s : alors que certains voient le côté libertaire comme une action politique, d’autres y voient plutôt un lieu où les abus seraient permis. Et pour supporter la gratuité de l’événement, certains se mettent à squatter illégalement des lieux qui ne leur appartiennent pas : entrepôts désaffectés, champs, et autres sous-terrains sont investis par des fêtards infatigables qui poussent le hors-cadre jusqu’à n’arrêter la soirée qu’une fois les derniers teuffeurs partis. Ce qui ne plait ni aux autorités, ni aux propriétaires des lieux qui ne sont pas forcément heureux de ce squattage. En 1995, la police française émet une circulaire intitulée « Les soirées raves : des situations à hauts risques », et la législation deviendra plus ferme à l’aube des années 2000 alors que la répression des soirées clandestines se fera plus forte. À cette période, l’État opère une véritable scission entre les raves légales, encadrées (et donc pouvant être contrôlées), et les raves clandestines (et donc à endiguer), ces dernières tombant sous le couperet de l’amendement Mariani de 2001, autorisant le préfet à saisir le matériel des squatteurs et à poursuivre les organisateurs en justice. Autant dire que Mr Thierry Mariani ne récoltera pas la popularité des teuffeurs et autres ravers, dont le mouvement perd doucement en vigueur, malgré la gigantesque et historique teuf organisée en 2001 dans la piscine parisienne Molitor par le collectif français Hérétik.AUJOURD’HUI
Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’est devenu le mouvement ? Pourrait-on le revoir surgir en force ?
Les raves légales, si on peut les appeler comme ça, existent toujours bel et bien, mais on est bien loin des free-parties d’il y a 20 ans. Bien qu’une bonne partie du public techno moderne soit plus à situer dans le monde du clubbing que dans celui de la rave, on assiste toujours à des rassemblements de sound systems, mais ils restent dans l’extrême majorité encadrés : Teknivals ou encore festivals, c’est dans ces endroits que se regroupent les amateurs de techno et de mouvements alternatifs. Rennes a par exemple tout récemment reçu la «Fête de la Prévalaye» fin août, soirée techno qui s’est déroulé sans accrocs et qui a reçu les Spiral Tribes (rien qu’eux). Cependant, même si adepte de la culture free, ces soirées ne se déroulent plus comme leurs ainées : fonctionnant sur le principe de l’entrée payante ou de la donation, ces rave-parties des années 2010 sont organisées par des associations, afin de pouvoir prévenir à toute galère juridique, autant au niveau de l’occupation des lieux que des risques sanitaires liés à l’organisation de gros événements. La solution choisie par certains est également l’organisation de soirée privées dans des lieux cadrés, gratuites mais moins libres d’accès.
Malgré tout, certains durs à cuire résistent encore et toujours à l’envahisseur, et quelques véritables free-parties continuent d’installer des sound-systems à leur guise, mais pour la plupart ces événements finissent entourés de gendarmes et sont suivis de plaintes et d’injonction à cesser l’événement (quand les gendarmes ne sont pas sur les lieux avant même que le son ne démarre).
https://www.bassexpression.com/Timeline … nival.html
Mais la culture free est-elle vraiment morte ? On peut en douter. Même si elle ne se manifeste plus sous la même forme, il existe encore et il existera toujours (du moins peut-on l’espérer) d’irréductibles accros de la musique qui viendront jouer pour le plaisir de jouer et pour celui de partager, de faire la fête, même si les cadres sont devenus différents : discutez avec les artistes et vous serez curieux de voir combien d’entre eux font de la musique uniquement parce qu’ils aiment ça, parce que partager leur musique et faire la fête les fait vibrer. Du côté des spectateurs, croisons les doigts pour toujours trouver un public qui ne rechigne pas à la donation, et qui fait des petits concerts de véritables moments de fête.
Les temps changent, mais « Rien n’arrête un peuple qui danse ».
Source : GreenRoomSession