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Spotify l'a fait il y a un peu plus d'un mois, au tour de Deezer de s'y coller : la musique gratuite et illimitée en streaming, c'est terminé.


""C’est pourquoi nous avons décidé, après en avoir longtemps discuté avec les maisons de disques, de limiter à cinq heures par mois l’écoute gratuite". Cette petite phrase est signée Axel Dauchez, PDG de Deezer, dans une interview publiée lundi dans Libération.







Ou comment Universal, bien que clamant à qui veut l'entendre que la musique en streaming était l’avenir de l’industrie, vient de couler un site qui finalement ne devait pas lui plaire tant que ça.




Pourquoi Deezer est-il maintenant bon à enterrer ?




Car Internet est régit entièrement pas la théorie du chaos : un nouveau site se crée, quelques internautes "pionniers" le découvrent, trouvent qu’il marche un peu plus vite ou que le design est plus sympa que celui qu’ils avaient l’habitude d’utiliser. Ils en font la publicité auprès de leurs amis qui, si cela leur plaît, le font à leur tour connaître à leurs amis etc.



Cela peut parfois se jouer sur de tous petits détails dont l'importance sera formidablement amplifiée et qui feront son succès... ou son échec.



Cas pratique : imaginons, qu’un jour, en soirée, la musique de fond est diffusée via notre cher Deezer en mode gratuit (et alors au sommet de sa gloire). En plein milieu d’un morceau et alors que la soirée bat son plein, tout coupe. La petite communauté de danseurs se met à huer le malheureux se trouvant par hasard à côté de l'ordinateur, soupçonné d'avoir renversé son verre dessus. Mais à y regarder de plus près, tout semble en ordre si ce n'est une fenêtre qui vient de s’ouvrir dans le navigateur internet et qui affiche le laconique :



"Vous venez d’écouter 5h de musique ce mois-ci, veuillez souscrire à une de nos offres payantes si vous souhaitez continuer".



Ni une ni deux, une rapide recherche et voila qu’apparaît un autre site dont on n’a jamais entendu parler et proposant quasiment la même chose, sans la limitation. Adopté ! Les amis présents lors de la soirée auront eux aussi entendu parler du petit nouveau, et des désagréments pouvant être engendrés par l'utilisation du premier site.



Une histoire commence alors que l'autre s'achève.



Pourquoi les majors ont-elles fait cela ?




Cela fait pourtant quelques mois que l’on peut lire un peu partout que ces sites de streaming sont la planche de salut de l’industrie du disque. Dernièrement un article de Libération intitulé "Quand le streaming galvanise les majors" laissait tout de même un arrière-goût étrange. Pascal Nègre nous y disait donc que c’était ça l’avenir et Libération donnait à propos de Spotify et de Deezer les chiffres suivants :



"Entre 0,02 et 0,03 centime d’euro [sont reversés] par titre écouté, 10% de cette somme revenant à l’artiste [lorsqu'il est signé]"





Deux dix-millièmes d’euro par titre… Pour l’artiste, 2€ pour 100.000 écoutes, 50 millions d’écoutes par mois pour un SMIC. Je ne suis pas très bon en comptabilité, mais quand on me dit que l’avenir de la musique est par là, je me dis qu’il ne vaut mieux pas être musicien indépendant.



Deezer n’a jamais été un site philanthropique, il repose sur un modèle économique douteux qui ne semble qu’être à même de générer de confortables revenus aux deux créateurs, pas grand-chose de plus.



Pour une fois, on peut être d’accord avec les majors et comprendre que l’exploitation de leur catalogue dans ces conditions ne soit pas à leur goût. Elles réagissent donc en fonction de leurs moyens, c’est à dire le contrôle de l’accès à ce catalogue qui leur permet de dicter leurs conditions, aucune des deux parties ne pouvant bien sûr soutenir les contraintes du modèle économique de l’autre.

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Toute l’absurdité d’une bulle en somme.



Là où cela devient intéressant, c’est lorsque l’on se rend compte que ce pouvoir, s’il peut s’appliquer à un site en particulier, situé en France, n’existe au final plus à l’échelle globale d’Internet.



Dans un Internet libre et décentralisé, il ne peut être question que de posture morale (je me fais peur quand je dis des choses comme ça, je pense tout de suite à notre président lors du eG8). Car ce que les hommes politiques ne veulent pas admettre c’est qu’ils ne contrôlent pas et qu’ils ne pourront pas le faire, y aura toujours un moyen technique de contourner les blocages et contrôles (VPN, blogs donnant des liens vers des services d’hébergement de fichiers…), un endroit dans le monde sur lequel nos dirigeants ne peuvent pas faire régner leur lois etc.



Je vois bien Pascal Nègre, ou une personne dépêchée par le gouvernement, expliquant au téléphone à M. Topi, président albanais (au hasard), qu’il y a dans son pays, quelque part, un serveur qui tourne et laisse en libre accès le dernier album de notre Johnny national et que ce serait gentil s’il pouvait y faire quelque chose. Sachant qu’en plus dans certains pays, le "piratage" de musique est quasiment l’unique source du marché et qu’il génère mine de rien de l’emploi et des revenus, cela semble d’autant plus difficile à plaider.



C’est donc finalement une nouvelle question qui se pose. Préférez-vous donner quelques euros par mois à des sociétés comme Deezer qui les redistribueront très parcimonieusement, à des entreprises vous permettant de contourner les différents écueils techniques ou le donner directement aux artistes ?



Source : http://leplus.nouvelobs.com/contributio … e-eux.html