Fin mars, ils ont réuni plus de 3000 personnes à Plessé. Le 30 juin, ils étaient environ 2000 sur un terrain entre Bouvron et Guenrouët. Pourtant, personne, excepté quelques riverains, n’a eu vent de ces free-party. L’Eclaireur a rencontré de Jeff, Anthony, Pierre et Antoine. Ils sont membres du collectif qui a organisé ces soirées. Organisation, difficultés, illégalité, ils nous font découvrir cet univers méconnu.
√ Totems de 6 mètres et tipis indiens
Ce sont « des centaines d’heures », selon Antoine, qui ont été nécessaires pour organiser la free-party près de Bouvron fin juin. Ce n’est pas tant la location de poids lourd, de groupes électrogènes qui ont été chronophages mais bien la décoration.
« Ne pas se contenter d’un mur de son »
Les quatres garçons s’interdisent la simplicité : « On ne veut plus de teuf avec uniquement une façade d’enceinte ». A chaque soirée, un thème est choisi : à Plessé, une histoire de géants ; à Bouvron, les Indiens d’amérique. Lors de cette dernière soirée, les organisateurs ne se sont pas contentés de porter plumes et arcs. Des totems de 6 mètres de haut ornaient les enceintes (voir photo), des tipis étaient dispatchés ici et là. Pour chaque soirée, ils s’obligent à créer « un décor et surtout une ambiance » insiste Pierre.
√ de 10 centimes à 20 euros
Cette dépense d’énergie a son prix : « Une soirée comme celle de Bouvron, c’est environ 5000 € ». Les recettes se limitent aux donations des participants qu’ils récoltent à l’entrée du parking. De 10 centimes à 20 €, aucun prix n’est fixé. « Les gens donnent selon leurs moyens ». Mais souvent, certains organisateurs payent de leurs poches.
√ Bijoux, sandwich et expo-photo
Pour l’ambiance, « chacun apporte sa pierre à l’édifice » précise Pierre. Exposants artisanaux (maroquinerie, bijoux, …), restauration et même une expo-photo sur le voyage humanitaire en Afrique des organisateurs. A ceux qui pensent que les teufs se résument à des enceintes et un DJ, les quatres garcons rétorquent qu’ « on veut faire évoluer le monde de la teuf, incorporer davantage de culturel ».
√ « les free-party font peur »
Malgré toutes ces bonnes volontés, Pierre confie qu’« il est difficile de faire venir d’autres artistes ». Beaucoup refusent de se produire dans le cadre d’une free-party. Car ces soirées ne sont pas des événements comme les autres. Le monde de la teuf reste obscure. Jeff, Antoine, Anthony et Pierre le savent pertinemment : « les free-party font peur ».
√ Nature et liberté
Le terme free-party, ils l’assument totalement. Toutefois, Antoine apporte d’emblée une précision : « Le terme free ne signifie pas la gratuité, mais la liberté. ». Leurs soirées, ils les veulent « en pleine nature, dans un endroit où ils peuvent s’exprimer librement, où les gens peuvent venir comme ils sont sans qu’ils soient jugés. ». Ils s’octroyent cette liberté en débarquant sur un terrain. Avec ou sans autorisation du propriétaire et tout le temps sans autorisation des pouvoirs publics, la liberté de « teufer » a toutefois une contre-partie : la possibilité de se retrouver dans l’illégalité.
√ Bouche à oreille
« Trouver un terrain c’est la guerre » s’exclame Antoine. « Jusqu’au dernier jour, tu peux te faire planter » rajoute Anthony. Pour la free-party du 30 juin, ils avaient trouvé un terrain bien à l’avance. Un mois avant, le propriétaire s’est retracté. Par l’intermédiaire « de l’ami d’un ami d’un ami », ils ont trouvé un nouveau champ. Après avoir rencontré l’agriculteur, ils ont obtenu l’autorisation. Un soulagement.
√ La loi des 500
En revanche, ils n’ont pas eu l’autorisation des autorités publiques. Ils ne l’ont même pas demandée. Jeff est catégorique : « Même si on préfèrerait faire une soirée techno légale, on ne peut pas ». La cause : une loi de 1995 qui oblige les organisateurs d’une soirée « à caractère musical » de plus de 500 personnes à faire une déclaration auprès de la préfecture. L’autorité publique depêche ensuite sur place une commission sécurité composée de pompiers et de gendarmes qui disposent d’un « véritable droit de véto sur la tenue ou non de l’événement » d’après Antoine. « On prévoit un accès pompier à chaque fois mais il nous est impossible de remplir les conditions trop strictes, et surtout trop onéreuses de cette loi » selon Jeff. « 1500 € pour la Croix-Rouge, 1000 € pour une sécurité privée » chiffre Antoine. « Le cadre légal n’est pas adapté, n’a même jamais su s’adapté » revendique Pierre.
« L’illégalité, pas un choix, une obligation »
Et même dans l’hypothèse où ils sont moins de 500 personnes, un riverain, souvent, porte plainte. C’est ce qui s’est passé à Bouvron. L’un des organisateurs a été convoqué à la gendarmerie de Pontchâteau pour tapage nocturne.
√ Les invités en képi
Lors des free-party, la visite de la gendarmerie est devenue une habitude pour les organisateurs. Un rapport de force hebdomadaire. La plupart du temps les dépositaires de la force publique font preuve de tolérance. Avec un nombre élévé de participants, ils ne peuvent pas faire annuler la soirée techno. Ils disposent néanmoins de moyens de pression. La plus efficace : la menace de saisie du matériel. Ils l’ont utilisé le 30 juin, les organisateurs, qui voulaient teufer jusqu’au lundi matin, ont dû remballer le dimanche après-midi.
Gendarmes et teufeurs se cotoyent tous les samedis soir
√ Moins de drogues, plus de culture.
La présence de drogues lors des free-party n’arrange pas les relations entre teufeurs et gendarmes. Les quatre organisateurs ne se voilent pas la face : « Il y en a mais on ne peut pas l’éviter ». Même si ils avouent qu’il y en a plus qu’ailleurs, Jeff minimise le lien teuf/drogue : « il y en a partout, dans toutes les discothèques ». Dans tous les cas, tous sont unanimes, « on veut proposer d’autres choses, du spectacle, du théatre pour inciter les gens à moins se droguer ».
Flavien Jadeau
SOURCE
https://hearthis.at/loulitotheyob
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