Bonjour, Invité · Connexion · Inscription
Pages : Précédent 1 2 3 Suivant

lapin · Administrateur

08-01-12 16:28:56

11-07-11 · 13 645

  80 

Le mouvement underground techno en Europe


Réalisé dans le cadre d'un Memoire par Lisa Diotalevi



_vnTX.jpg




Problématique du Mémoire


Mes premières recherches sur l'histoire au niveau européen du mouvement tekno m'ont permis de découvrir la relation entre ces gros rassemblements que sont, aujourd'hui, les teknivals français, et certains évènements ayant constitué les toutes premières manifestation de ce type. A travers des recherches sur l'historique des teknivals, c'est la construction d'un ensemble culturel, par des groupes de petite taille, et son assimilation par un large public de jeunes, que je souhaite observer.

On aborde ainsi l'idée de l'émergence, au sein de petits groupes pionniers, de pratiques nouvelles formant un ensemble culturel spécifique au sein d'une société vaste, culturellement diversifiée et hétérogène, ce qui correspond au concept de néotribalisme développé par Maffesoli (1988).
La façon dont ces pratiques se sont répandues en quelques années, dans plusieurs pays, implique une transmission intragénérationnelle, très rapide, à travers l'espace social et géographique. Comment une telle transmission se réalise-t-elle ? Par mimétisme ? Par des réseaux affinitaires interreliés ? Les nouvelles technologies de communication n'ont-elles pas également un  rôle important dans l'apparition de ce mouvement ?

Ce type de transmission est connu largement sous l'appelation commune d' "effet de mode", mais dans le cas de la culture underground, aucune forme conventionnelle de publicité ou aucun produit commercialisé n'en est le vecteur direct. Seuls quelques supports comme des DVD ou des livres, relativement rares, ont pu contribuer à cette diffusion. Quant aux médias comme la télévision, les journaux, ou les magazines, s'il est vrai qu'une presse
spécialisée a pu consacrer quelques articles au phénomène lorsqu'il a éclaté, les free parties ont pour le reste été plutôt absentes des médias conventionnels dans les premiers temps.

f1b68c54a343.jpg



Par la suite, lorsque ces pratiques sont devenues plus courantes, il est vrai que la couverture   médiatique   de   celles-ci   ainsi   que   des   teknivals   a   été   récurrente   et a certainement joué un rôle dans la popularisation de ceux-ci. L'enquête visera également à mieux   comprendre ce rôle, et quels   réseaux sont mobilisés   par cette forme de transmission intragénérationnelle.   

Distinct des héritages culturels parentaux ou nationaux (diffusés par l'éducation institutionnelle), cet ensemble de normes et de pratiques  est apparu et s'est répandu à travers une classe d'âge, puis dans les classes plus jeunes, en quelques années, et de manière sélective, c'est-à-dire que certains individus s'y sont acculturés totalement, d'autres partiellement, et d'autres pas du tout.
Certes des critères de cette sélection seraient à dégager par une analyse quantitative, à l'échelle nationale et internationale. En effet, si pour certains, « être un teufeur » veut dire simplement écouter de la tribe (style de musique caractéristique des free parties), participer à des soirées clandestines, et adopter
une parure vestimentaire le temps de ces soirées, pour d'autres, la culture tekno constitue un mode de vie à part entière, ainsi qu'un ensemble de valeurs, un mode de pensée, des attitudes et des comportements spécifiques, et qui permettent de déterminer qui est un membre, ou non, du mouvement.


Cet ensemble de valeurs et pratiques a regroupé des individus qui les ont adoptés entièrement et définitivement dans un mode de vie communautaire, marginal et nomade, limitant leurs interactions avec le système économique et social. Il se forme ainsi des modes de vie singuliers et isolés dans de petits groupes, à partir d'une volonté d'échapper à un modèle culturel dominant dans un espace et une époque donnés.
Ceci nous amène à considérer l'aspect « underground » de cette culture, c'est-à-dire souterrain, caché, et basé sur un principe de rejet du modèle culturel dominant.
Cet aspect est à mettre en relation avec la notion de contre-culture, car le mouvement underground techno s'est fondé en opposition à ce modèle dominant, et dans une certaine illégalité. Par conséquent, il s'est placé dans une position de défiance envers les pouvoirs publics, et par extension le système politique et juridique.

_moUu.jpg



Par conséquent, les phénomènes de l'underground techno peuvent être comparés aux autres mouvements contre-culturels que recèle l'histoire des sociétés industrialisées (mouvement hippie, hip hop américain, punk, rastafari...) : Comment la convergence (physique et psychique) d'un grand nombre de personnes, sans liens de parenté, mais réunis par des conditions de vie similaires (spatiales, temporelles,  sociales, ou économiques) s'est-elle construite,   sans infrastructure, sans finalité ou intérêts économiques, en conflit avec l'opinion dominante et en combat contre les autorités ?

Comment fonctionnent l'identification massive, la synergie qui se produit au cours de ces évènements ? D'où vient la force d'impulsion ? D'un rêve partagé, d'une vision, d'un besoin de rébellion ? Quel rôle jouent les idéologies dans la construction de ces mouvements ? Ces idées qui rassemblent sont-elles le principe actif qui provoque les manifestations ou le produit qui en émane ?

J'ajouterai également ici une remarque concernant une difficulté particulière de mon sujet : il ne faut pas confondre un mouvement contre-culturel ou underground en lui-même, avec les manifestations qui émanent de sa récupération commerciale. Plusieurs auteurs ayant voulu travailler sur les contre-cultures sont tombés dans cet écueil, qui, à mon sens, doit être évité absolument si l'on veut comprendre ce qu'est l'underground. Sur cette question, seul le terrain me semble pouvoir jeter une lumière sur les confusions qui ont pu être faites et je mettrai donc un soin particulier, dans mon travail, à distinguer le mouvement lui-même de sa récupération commerciale, et à détailler les procédés par lesquels cette récupération a émergé dans le cas de l'underground techno.

Dans le cas du teknival français du premier mai et d'autres grandes manifestations européennes du même type, je montrerai comment la nature subversive des évènements a mené à une situation paradoxale qui place souvent les responsables des décisions législatives et exécutives dans des dilemmes, voire créent des conflits entre eux. Après avoir été maintes fois l'occasion d'affrontements violents entre participants et forces de l'ordre, les teknivals ont bénéficié peu à peu d'une tolérance, puis d'un accompagnement par les pouvoirs publics, voire un encadrement massif. 
Cette évolution, mise en parallèle avec celle de l'attitude des médias, mérite qu'on se demande aujourd'hui  si le phénomène est   en   voie   d'institutionnalisation, tandis que les pionniers du mouvement ne reconnaissent plus du tout leurs valeurs dans ces teknivals devenus trop massifs et trop
encadrés. 

L'histoire des rapports entre autorités, et participants à ces évènements est un autre point à étudier.  Enfin, c'est aussi l'histoire particulière d'un groupe de personnes réunies par leur pratique des soirées que je souhaite aborder. Le sound system étant l'unité sociale de base du mouvement tekno, il est intéressant d'observer comment l'un d'eux s'est construit, comment il fonctionne, quels sont ses caractéristiques sur tous les plans de la description
ethnographique.

Une double question se pose donc dans mon travail, qui cherche d'un côté à mieux comprendre et caractériser ce qu'est un univers underground, mais d'un autre côté, qui cherche également à créer un point de vue sur la société dans laquelle cet undergound surgit, car il se nourrit d'elle et dès lors son étude nous renseigne sur elle. Il s'agira donc, plus précisément, de comprendre comment les marges relèvent des mêmes valeurs que
la société tout en s'en distinguant


Texte en version intégrale à télécharger en PDF ici



Ce Mémoire de 170 pages est un bon document très poussé et assez objectif sur la situation du mouvement vers la fin des années 2000

Ps: Ajout d'un sommaire dans le premier post wink

lapin · Administrateur

13-01-12 16:35:46

11-07-11 · 13 645

  80 

Le DJ face au miroir tendu par les universitaires : relativisation et analyse critique


Par Yann Laville


_ZXmd.jpg



Résumé




Au cours des années 1990, le « mouvement techno » s'est imposé comme un phénomène culturel d'envergure planétaire. A ce titre, il fut donc naturellement objet d'interrogation, d'études et de commentaires au sein des milieux académiques français. Aujourd'hui pourtant, alors même que le champ paraît balisé, Yann Laville s'interroge quant aux résultats obtenus : le discours n'a guère changé depuis ses balbutiements ; le DJ est toujours présenté comme la voûte d'une formulation identitaire et sociale où n'existe pas d'autres ambitions que le happening des fêtes.

Ce cadre éludant une bonne partie des faits constatés par l'auteur, celui-ci propose un exercice original : confronter l'image institutionnelle dont jouit cette figure aux observations glanées sur son propre terrain et à l'histoire du mix (la technique propre aux DJs) telle qu'envisagée par de nombreux auteurs américains. Les conclusions aboutissent à relativiser non pas le DJ en tant que principal vecteur du fameux « boum boum » électronique, du moins à une certaine période, mais en tant qu'horizon unique, indépassable et particulier du « mouvement techno ».

En effet, pris dans une perspective à moyen terme, il apparaît comme une figure transversale au champ des musiques « pop » et cela depuis les années 1950. Il paraît donc urgent de repenser la condition post-moderne à l'aune de critères plus vastes et le « mouvement techno » de critères moins étroits.



Plan :




- Sommaire
- Introduction
- Le DJ : acteur durable ou seulement conjoncturel ? Origines lointaines
- Le dub jamaïcain
- Le disco
- House et techno américaines
- Le deejaying en Europe : entre fantasme et réalité Les dimensions pratiques ayant favorisé l’essor du mix en Europe
- Conclusion



Texte en version intégrale à lire en cliquant ici

lapin · Administrateur

12-02-12 03:29:44

11-07-11 · 13 645

  80 

Musiques et fêtes techno :
l’exception franco-britannique des free parties


Par Laurent TESSIER


1d6681dee649.jpg




Durant les années quatre-vingt-dix, de nouvelles fêtes techno, les raves ou free parties ,font leur apparition sur le territoire français et y rencontrent un immense succès.

Dans les autres pays européens, où la musique techno est pourtant tout aussi répandue, le développe-ment des free parties reste limité et n’atteint à aucun moment le gigantesque « phénomène de société » que seules ont connu la Grande-Bretagne puis la France.

Or, cette exception franco-britannique dans la manière d’organiser et de participer à des fêtes techno n’a pour l’instant reçu aucune explication. Il est possible de développer une série d’hypothèses permettant d’expliquer l’apparition et le développement de ces mouvements, en se référant aux raisons et aux interactions d’individus placés au sein de contextes nationaux précis : en mettant notamment en lumière la manière dont les politiques des gouvernements britanniques
puis français, confrontés à l’émergence de différents groupes sociaux spécifiques, ont pucontribuer à la création et à la diffusion du phénomène des free parties .



Texte en version intégrale à Télécharger en PDF ici

lapin · Administrateur

08-03-12 02:34:49

11-07-11 · 13 645

  80 

Au son du camion


Par Michaël HAJDENBERG, mardi 16 décembre 2003



_eMABE.jpg




Un transport scolaire à la transe buissonnière : au début des années 70, le petit bus rouge et blanc conduisait quotidiennement les jeunes écoliers de la Drôme. Aujourd’hui, il abrite Mick à demeure. Le car ne mène plus à la société, il la fuit.



Mick sillonne la France et l’Europe à bord de sa maison roulante, longue de 12 mètres, large de même pas 2, en compagnie de la quinzaine d’autres membres de son sound-system (artistes de techno munis d’un matériel de sono), le Sono Pirat Unit. Ils sont environ 2 000 en France, 20 000 en Europe, généralement âgés de 25 à 35 ans, à avoir choisi ce mode de vie, apparu il y a une dizaine d’années. A « bouger n’importe où, n’importe quand ». A construire « une société parallèle ».

Tous ont connu une rupture. Pour Gejor, du collectif des DpraV (lire « dépravés », ndlr), elle fut particulièrement brutale. Il y a dix ans, à la suite d’un anévrisme, il passe de responsable de chantier à « rien ». « J’ai été viré comme un malpropre. Je n’étais plus assez rentable. » Il rencontre un teufeur, ses 2 kilos de son, et décide de partir. Mais généralement, la décision est moins subite. « Les travellers sont au départ de simples teufeurs, pendant environ deux ans, explique Lionel Pourtau, sociologue au Ceaq (Centre d’étude sur l’actuel et le quotidien, Paris V) et par ailleurs médiateur entre les autorités publiques et les ravers. Puis ils intègrent un sound-system pendant à peu près trois ans avant d’acheter un camion et de prendre la route. »

La plupart des travellers ont vite quitté le lycée. Ils ont travaillé jeunes, avant de tout lâcher. Comme Sophie, titulaire d’un BEP sanitaire et social, qui bossait à l’usine à 18 ans mais qui, à 20, n’en « pouvait plus de se lever tous les jours à la même heure, de faire toujours les mêmes gestes ». Comme Olive, des DpraV, qui refuse de se « foutre sur le dos un crédit de trente ans pour acheter une baraque », ou de vivre la situation d’amis de ses parents, « virés de chez Moulinex après vingt-cinq ans de service ». Comme Norman, qui a quitté « le stress d’une société malade ». Comme Arnaud, Fred, Béber, Def, Aurélie, Pap et tous les autres.

_WcVGF.jpg


« On est des gros feignants »

Leur idéal n’est pas politique, il est pratique. « Leur but n’est pas de tout casser, mais de se casser, explique Lionel Pourtau. A la différence des hippies, les travellers ont une vision nihiliste, désespérée de la société. Ils appartiennent à la première génération qui pense que ses enfants ne connaîtront pas un monde meilleur. Ils choisissent donc de se poser à côté de la société, sans violence. » La cité est trop moche, autant s’en éloigner, « se réveiller tous les matins dans un autre jardin », explique Sophie. « Mais on a beau partir, on n’échappe pas à la société », commente Lionel Pourtau. Olive le reconnaît sans peine, montre la marque de la virgule de ses baskets. Def a carrément scotché son nom à une marque concurrente et créé Adidef, qu’il tatoue jusque sur son chien. « On ne sort pas totalement du système. On est juste assez malin pour en profiter », explique Béber.

Assedic, RMI et couverture sociale sont ainsi considérés comme un moindre mal : « On se fait déjà tellement avoir, il faut bien qu’on utilise les failles. » « De toute façon, développe Lionel Pourtau, la société vient les chercher pour qu’ils paient la Sacem, obtiennent des autorisations, s’adaptent aux normes de sécurité. » On leur interdit de jouer leur musique ? Tant pis. Ce sera sans eux plutôt que de « jouer sur des scènes de moins en moins nombreuses et donc de plus en plus consensuelles ». Les travellers fuient. Toujours plus loin. Surtout depuis l’amendement Mariani de 2001, leur interdisant d’organiser des raves sans autorisation préfectorale. Quasiment interdits sur le territoire national, les travellers n’ont pas changé leur mode de vie. Ils l’ont étendu. « On passe maintenant plus de temps à l’étranger qu’en France », témoigne Ludo. Direction l’Italie, la Croatie ou la République tchèque. A l’Est, la loi est plus libérale.

Reste à vivre. Pour faire la fête, il faut manger. Pour voyager, payer le gasoil. Les bières et les cassettes vendues lors des teufs ne suffisent pas. Les nomades sont bien contraints de travailler. Périodiquement. Chez les DpraV, beaucoup font les vendanges. « Un bon plan où l’on peut se faire 1 000 euros en huit jours. » Certains passent leur permis poids lourds. D’autres, l’hiver venu, rejoignent des stations de ski. « On mixe dans les boîtes de nuit. On fait perchman (tendre les perches du tire-fesses dans les stations de ski, ndlr) », explique Arnaud, qui évoque aussi des « ménages » et la « plonge ». « Mais, c’est sûr qu’on court pas après les thunes. De toute façon, on est des gros feignants », dit-il sérieusement.


Pas besoin de s’enrichir quand il suffit d’économiser. Pour remplir le frigo, les DpraV disent ne pas voler : « De toute façon, on est trop grillés. » Dans la maison d’un ami, près d’Albi, ils se régalent d’escalopes de poulet « trouvées dans les poubelles du supermarché. Seul l’emballage était abîmé, s’amuse Fred. Sinon, on récupère des trucs périmés. » Même les filtres de cigarettes intacts ­ le tabac n’ayant servi qu’à rouler un joint ­ sont conservés dans un bocal pour remplir un prochain pouf. Surtout, « en communauté, tout coûte moins cher, explique Arnaud. On s’en fout d’avoir chacun notre boîte de céréales préférées ». A l’étranger, l’effet réseau joue à plein. Les travellers sont accueillis, logés, nourris. Quelques mois plus tard, ils rendent la pareille. Arnaud résume : « Moins t’as d’argent, moins t’en as besoin. » Gejor confirme : « Quand je gagnais 10 000 balles par mois, je peinais à boucler mon budget. J’avais toujours besoin de plus. Mieux vaut n’avoir rien du tout qu’un petit peu. »

_FN0T.jpg



Bricolage et douche solaire

« Les travellers sont issus des classes moyennes, explique Lionel Pourtau, qui travaille sur six « tribus » à travers la France. 28 % de mes sujets sont des fils d’enseignants. Ils ont un bagage culturel, mais monter en haut de la pyramide selon le système proposé ne les intéresse pas. Même dans leur domaine, la techno, ils ne se rêvent pas en Laurent Garnier (DJ star de la techno, ndlr). Leur capital social les aidera en revanche à se réintégrer quand ils se rangeront, souvent dans la musique comme gérant d’une salle ou DJ dans un bar. »

En attendant, chacun apporte au groupe ce qu’il sait faire : électricité, cuisine, mécanique, maçonnerie… Nécessaire pour installer un lit, mais aussi une gazinière et un frigo grâce à un groupe électrogène et des batteries de maintenance. Le prochain objectif de Béber, alias Mc Gyver : la construction d’une salle de bains, derrière son lit, au fond de la cabine. En attendant, comme les autres, il se lave avec une douche solaire, aux bains municipaux, au stade, et parfois pas pendant deux semaines. A quelques centaines de kilomètres de là, Sophie raconte aussi son plaisir à aller chercher de l’eau à la fontaine, « comme avant, quand ils allaient au puits ». « C’est un peu le mythe du retour à la nature, explique Lionel Pourtau. Même si, dans les fêtes, elle en prend un coup. »

Car plus que la nature, c’est la techno qui guide leur mode de vie. Sans sons, le voyage n’aurait pas de sens. « Nous sommes un peu des évangélistes, explique Ludo. Il faut qu’on amène notre musique partout où ils ne la connaissent pas. » Y compris à ceux qui ne peuvent pas voyager. « Dans la techno, il n’y a pas de paroles, de mots qui dictent le sens du morceau, explique Def. A elle seule, cette musique permet d’imaginer librement ton voyage. »

« On nous réduit à des produits »

Les travellers racontent les rencontres, le long du chemin. « Surtout des technoïdes », tempère le sociologue. Car les travellers font peur, avec leur meute de chiens qui les suit partout, et leur style atypique, même s’ils se lookent moins que certains teufeurs. « Quand on se sent bien dans son mouvement, on n’a pas besoin de l’afficher avec des piercings, une casquette et un treillis », explique Arnaud, en jean et sweat à capuche. A la différence de Def, de ses tatouages, sa mini-crête sur la tête, son short dégueulasse et sa gueule de « mec qui a morflé ». D’après lui, le style plaît aux jeunes filles. Sauf les dents qu’il a décidé de réparer, « parce que j’ose plus rigoler et que j’aime trop ça ». Quand il l’a vu, le dentiste n’en est pas revenu : « Il n’a même pas osé me dire de me les laver », sourit Def, qui en a perdu huit et fait arracher trois. La faute au manque de soins. La faute aussi « au tabac, au shit », et au reste.

Mais chut… parler du cannabis qui « n’est pas une drogue » : tant qu’on veut. De la « came » (héroïne), dont ils condamnent l’usage : sans problème. Pour le reste, amphétamines, LSD ou ecstasy, motus. « On nous colle une étiquette, explique Béber. On nous réduit à des produits. C’est un fantasme. Contrairement à ceux qui vivent avec leurs parents ou leur copine, nous, on s’est déjà échappés. On n’a pas besoin de la drogue en plus. Et plus tu vieillis, moins t’en prends. » Une analyse confirmée par Lionel Pourtau : « Il y a une courbe ascendante dans la consommation pendant un an. Après ça chute. » « Voir 3 000 personnes qui tripent devant nos enceintes, ça nous suffit », s’enflamme Béber. Quant au deal, il est difficile dans la pratique. « Certains travellers font des plans en cas d’urgence. Mais c’est très rare vu le nombre de douanes qu’ils doivent franchir. » « De toute façon, vu nos gueules, on se fait tout le temps contrôler », confirme Def.

A peine revenus de Tchéquie, en partance pour leur squat de Barcelone, les DpraV n’ont pas de domicile fixe. Mais contrairement aux Soho, ils ne vivent pas douze mois sur douze dans leur camion. L’hiver, ils le passent chez des amis, aux quatre coins de l’Europe. A Albi (Tarn), leur présence est insoupçonnable derrière une haie bien taillée dans une maison cossue. « Peu de travellers sont des purs et durs, qui vivent toute l’année dans leur camion, explique Lionel Pourtau. C’est trop usant. » Pour le sociologue, la durée d’une vie de traveller est d’environ dix ans. Ensuite, ils se rangent. Même si aucun d’eux ne veut imaginer la fin du voyage.

AntiBioT3k · Membre +

09-03-12 00:53:01

28-10-11 · 535

  13 

Merci Lapin pour ces dossiers... smile
J'ai pas tout lu, sa fais un peut beaucoup quand même lol mais se que j'ai lu était très intéressant et se que j'ai survolé ma paru très intéressant aussi... wink

lapin · Administrateur

09-03-12 15:25:29

11-07-11 · 13 645

  80 

De rien !!

Content de voir que ce dossier en intéresse quelques-uns smile

lapin · Administrateur

19-03-12 13:11:21

11-07-11 · 13 645

  80 

L’ Histoire secrète des Free-ParTy



_Y6Gmz.jpg


Retour sur la croisade techno qu’une poignée d’irréductibles lançait, il y a 20 ans à peine, à travers l’Europe. Toujours sauvage, toujours illégale, elle a initiée bien des changements. L’histoire secrète des raves parties.




Paris, hiver 1999. Les vitrines des grands magasins clignotent à l’approche de Noël. Sous un immeuble de Bercy résonnent les chants de sirènes infernales aux vibrations de marteaux-pilons. Dans un long tunnel obscur, depuis longtemps déserté par la civilisation, s’agitent comme des rats quelque trois mille filles et garçons: crânes rasés, regards graves, treillis militaires froissés. Vautrée dans la poussière, le cerveau détraqué par des substances chimiques, ignorant le froid et la fatigue, la foule danse au ralenti. Le son métallique, assourdissant, d’une techno hardcore transperce les chairs. Le spectacle est hallucinant. Un paysage post-apocalyptique digne de Mad Max où des hordes de soldats en déroute auraient trouvé refuge. Les jeunes gens – 20 ans en moyenne – semblent jouir de ces conditions extrêmes comme d’une ultime provocation envers nos sociétés policées. Nous sommes dans une free party: une rave gratuite et clandestine. Elle est organisée par les Heretik, un jeune sound system parisien composé d’une douzaine de membres, dont le plus âgé a 25 ans. Adeptes de la débrouille, ils se sont occupés de tout, ne comptant que sur eux pour mener à bien leur entreprise illégale. Mais leurs efforts sont récompensés. Guidés par une mystérieuse infoline révélant le lieu de la fête à peine une heure avant son début, une meute de partisans -certains venus de province- ont accouru pour participer à l’orgie sonore. Devant l’affluence, la police se voit dans l’impossibilité d’intervenir sans provoquer un carnage. Cette nuit, aucun incident n’est à signaler, malgré l’absence de service d’ordre.

Il serait tentant de réduire les free parties à un mouvement marginal, un produit de la crise, un passe-temps de dégénérés. Et ce à un détail près: ces raves sauvages trouvent un écho grandissant auprès de la jeunesse européenne. En France, ils sont des milliers à parcourir des centaines de kilomètres pour communier sur des beats hardcore. La tête dans les étoiles et les pieds dans la boue, loin du confort douillet des boîtes de nuit. Autour de Paris, une ou deux free parties ont lieu dans un rayon de 150 kilomètres chaque semaine. Les sound systems les plus appréciés déplacent jusqu’à trois mille personnes. Détail révélateur: en 1993, le même tunnel de Bercy avait déjà été le lieu d’une free party. Elle n’avait alors rassemblé que trois cents personnes. Aux commandes, la mythique Spiral Tribe, tribu de travellers anglais qui, depuis le début de la décennie, sillonne les routes d’Europe et attise le mouvement né outre-Manche. « On peut légitimement se demander, écrit le musicologue Emmanuel Grynszpan, s’il ne faut pas voir en Mrs Thatcher la mère des free parties. » En 1988, l’acid house quitte l’underground et enflamme les clubs britanniques alors que les effets de l’ecstasy durent jusqu’au petit matin, les autorités promulguent une loi obligeant les boîtes de nuit à fermer à 2 heures. Pour prolonger la fête, reste une solution: investir clandestinement des endroits improbables. Les raves sont nées dans une usine abandonnée ou une clairière isolée. Mais ces nouvelles moeurs festives auraient sans doute pas connu un tel élan si elles n’avaient pas, très vite, rencontré la tradition «traveller », qui se développe en Grande-Bretagne depuis que la suppression des aides sociales a chassé les communautés marginales des vines. Les ravers prennent modèle sur les travellers. Ils s’organisent en sound systems itinérants pour colporter le nouveau son à travers le pays.


_VTKYH.jpg



Les free parties prennent dès lors une dimension politique, en opposant une nouvelle forme d’hédonisme à cet ennui profond qui plombe l’Angleterre conservatrice. Elles se révélent aussi, par leur nature éphémère, difficilement maîtrisables par les forces de police. Elles proposent enfin un mode d’existence autonome qui repose sur la récupération des rebuts de la société de consommation: matériel hi-fi obsolète, sites industriels sacrifiés sur l’autel de la crise ou camions de l’armée condamnés à la casse. « C’est le principe du mixe à l’échelle de la société, analyse le sociologue Michel Maffesoli. De la même façon que le Dj mélange des vieux disques pour créer un nouveau morceau, les nomades techno utilient des objets déjà existants pour inventer un style de vie inédit. Les free parties originelles bannissent l’argent. Le troc y est courant. On échange des drogues -LSD, ecstasy- contre des disques, des disques contre de l’essence, de l’essence contre des tatouages… Chaque rave se clôt par un rituel incontournable : quelques excès qu’ils aient connus, les ravers ramassent leurs ordures, s’attachant laisser la nature plus propre qu’ils ne l’ont trouvé. paradoxalement, l’énorme succès que rencontrent les free parties en Angleterre va leur être fatal. En 1992, le teknival de Castlemortom, où la techno pulsera pendant trois jours d’affilée sans interruption, rassemble quelque cinquante mille personnes. Les autorités paniquées ne tardent pas à réagir. Le matériel est confisqué et plusieurs membres de tribus sont arrêtés. En 1994, la Criminal Justice Bill interdit toute réunion de plus de cent personnes écoutant de la musique répétitive. De toute façon, dès 1992, les tribus les plus déterminées, comme Bedlam Circus et Spiral Tribe, se sont exilées en France.

Sur le continent, les nomades techno vont entamer une incroyable croisade sonique. On peut alors suivre leur progression géographique. En France, d’abord. Eté 1993, le premier teknival débarque à Beauvais. Une infoline saturée vient à bout de trois répondeurs; des voitures défilent sur 5 kilomètres comme des tanks dans la nuit; des tonnes de décibels prennent d’assaut le cerveau; de l’ecsta en rafale. Ceux qui mouillèrent leur tee-shirt lors de cette épopée fondatrice en parlent aujourd’hui avec d’étranges lueurs dans les yeux. Il y a eu Woodstock en 1969 et Beauvais en 1993 , affirme un vétéran. Le même été, on retrouve la Spiral Tribe à Montpellier et à l’automne, un deuxième teknival s’organise à Fontainebleau. En 1994, les travellers passent les frontières. Certains se dirigent vers la péninsule Ibérique, d’autres remontent les Pays-Bas. De longs convois d’une quarantaine de véhicules partent pour l’Est, notamment la République tchèque. En 1995, une fraction part à la conquête des Etats-Unis; une autre, quelques années plus tard, rejoint l’Inde par la route. Aucun rews médiatique: les raves se propagent d’elles mêmes
Autre paradoxe: alors que les médias s’enorgueillissent de leur toute puissance, la musique dite technologique a contaminé l’Europe sans le moindre relais médiatique. Cette culture a été directement transmise à la jeunesse par des sound systems itinérants. Michel Maffesoli rappelle: “Il existe une similitude entre les poètes dionysiaques de l’Antiquité, les troubadours du Moyen Age et les nomades tedmo. Tous créent une culture à partir de la circulation. Ils prennent la route, allant de ville en ville, générant des sortes d’émeutes festives à la faveur desquelles les populations expérimentent cette culture. Cependant, si les free parties ont participé au retour de phénomènes archaïques, leur développement est inséparable de celui des nouvelles technologies.” Les travellers techno ont beau avoir les mains dans le cambouis, ils n’en utilisent pas moins l’Intemet dès 1991 pour tisser leur réseau. Au fur et à mesure qu’ils traversent les pays, les Anglais provoquent des vocations. Dans leur sillage naissent des sound systems locaux qui continuent de cultiver le son après leur départ. La première édition du festival techno Boréalis à Montpellier intervient quelques mois après le passage des Spiral Tribe. La France devient la terre d’élection des free parties dès 1993. Les Nomades, OQP ou Teknokrates reprennent à leur compte ce mode de vie.


_0BGLQ.jpg



A partir de 1995, cependant de nouveaux sound systems se démarquent du modèle britttanique, en choisissant un mode de vie moins marginal. Les Furious, Heretik ou Mas y Mas -pour ne citer qu’eux, parmi la soixantaine actuellement en activité- ne sont plus systématiquement nomades. Ils vivent dans de grandes villes autour desquelles ils organisent des free parties. Plusieurs fois dans l’année, ils se regroupent au cours de teknivals rituels, formant de gigantesques campements pendant cinq ou six jours, où peuvent se côtoyer une quarantaine de sound systems. Avec cette nouvelle génération, le mouvement va sortir de l’underground pur et dur pour devenir un fait de société. Forts de l’expérience de leurs aînés, à qui la drogue a parfois été fatale, ils ne fondent plus leur économie sur le deal. Pour rentrer dans leurs frais, ils demandent 10 F à l’entrée ou organisent un bar. En fait, les membres de ces tribus urbaines, à l’instar de leur public, mènent souvent une vie sociale des plus normales. Ils sont étudiants, travaillent ou encore vivent chez leurs parents. Ultime signe distinctif avec les premiers sound systems anglais réside dans l’absence de discours revendicatif, mis à part celui de l’activisme festif . La police, cependant, se montre de plus en plus dure. Elle ne reconnaît le droit d’existance aux raves seulement lorsqu’elles s’inscrivent dans le circuit commercial. La jeune tribu albigeoise Wodooz a fait les frais de cette répression. Six mois d’enquête, infiltration du milieu, écoutes téléphoniques: un juge d’instruction d’Albi a eu recours à des moyens démesurés pour coincer ceux q’elle espérait être de dangereux trafiquants de drogue. Au final, seulement 25 grammes de haschisch ont été trouvés lors du coup de filet de la gendarmerie. Onze membres de la tribu ont quand même été mis en examen. A l’issue de leur procès en septembre dernier, un seul chef d’accusation sur cinq a été retenu, celui de travail clandestin. Résultat: une condamnation à 10 000 F d’amende dont 5 000 F avec sursis. Mécontent d’un verdict qu’il n’estime pas assez sévère, le parquet a fait appel….

Les free parties sont pourtant le fruit même de la société qui les condamne. A travers ses excès, elles offrent un exutoire à la violence sourde de nos vies modernes. “Nos sociétés ont tendance à dénier la part d’ombre de l’homme, alors q’il s’agirait au contraire de la prendre en considération pour quelle se modère”, confirme Maffesoli. A l’instar des carnavals originels, les free parties sont des lieux hors du temps et en rupture avec la vie quotidienne, dans lesquels il est possible de ritualiser l’apparition de la part maudite, d’homéopathiser ses effets. “A quand la free party déclarée d’utilité publique”, comme le revendiquaient les Heretik sur le tract annonçant leur sabbat clandestin dans les caves de Bercy?

lapin · Administrateur

16-04-12 00:51:57

11-07-11 · 13 645

  80 

Tribus modernes et nomadisme techno
Comprendre notre présent


_iesl.jpg


Compte-rendu de la conférence prononcée par Michel Maffesoli, le vendredi 20 novembre 1998, au Centre Social de Cosne




M. Maffesoli occupe la chaire d’Emile Durkheim à la Sorbonne ; il est le premier à avoir repéré et analysé les tribalismes contemporains et cette " pulsion d’errance ", dont les rave-parties et diverses manifestations techno sont une illustration. Il lui appartenait ainsi de décrire un certain nombre de phénomènes post-modernes et d’en faire une lecture sympathique, au sens premier du terme, afin de mettre en évidence un style de société nouvelle en train de s’esquisser.






I° Pour une lecture " sympathique " des phénomènes sociaux.



" La sensibilité, c’est savoir dire ce qui est dans toutes les têtes. " M. Maffesoli a repris cette idée de Guy Debord, et s’est efforcé de travailler dans cette perspective à la compréhension des phénomènes sociaux. Sa conception du travail sociologique est celle de l’invention au vrai sens du terme : savoir faire ressortir, faire venir au jour, ce qui est déjà là. D’une autre manière, Aristote disait : " poser bellement les problèmes ", c’est-à-dire moins les résoudre que les repérer et les présenter.

La position de méthode de M. Maffesoli est ainsi " immorale ", c’est-à-dire hostile à un moralisme qui plaquerait sur les phénomènes des idées a priori de devoir ou de programme. Il faut tout d’abord reconnaître ce qui est (quand bien même on souhaiterait agir contre). C’est la méconnaissance de ce qui est, et l’obsession corrélative du devoir-être qui contamine à l’inverse toute la pensée de l’intelligentsia contemporaine. Du reste, la démagogie du Front National se niche précisément dans ce vide laissé par l’intelligentsia, qui " sait ", fossé entre elle et les gens, qui, tout simplement, vivent.

Il faut ainsi " savoir écouter l’herbe pousser ", comme le souhaitait parfois le vieux Marx ; se dégager de tout a priori (de " droite " comme de " gauche ", du reste) afin de repérer quelques grandes constantes sociétales, quelques grands archétypes. Certes, cela n’est pas facile, car toute constante a des modulations : tantôt la constante se déploie avec force, d’une manière explicite, et se repère facilement, tantôt elle est jouée discrètement, faiblement, et reste presque invisible ; mais, peu importe, l’essentiel est de " pointer " ces quelques archétypes, d’ailleurs peu nombreux, qui caractérisent la condition humaine.

Ce travail de repérage du " renifleur social " ne peut en vérité s’effectuer que si l’on maîtrise la distorsion entre " ce qui est évident " et les " évidences ". Les évidences sont des idées toutes faites, des préjugés acquis principalement par la formation de chacun. Or, précisément, ces évidences empêchent de voir ce qui est évident, ce qui crève les yeux : l’évident est un peu comme la lettre volée d’Edgar Poe que personne ne retrouve parce qu’elle est exposée dans la pièce au vu et au su de tout le monde. Il s’agit donc de repérer l’évident contre les évidences.



II° Les trois figures de l’évident social.



On peut repérer tout d’abord " la figure de Dionysos " qui tend de plus en plus a supplanter celle de Prométhée (ou même d’Apollon), c’est-à-dire celle du travail, de la science et de la technique. On retrouve ainsi, à l’heure actuelle, l’ancienne figure dionysiaque oubliée de l’excès, de la fête et de la débauche. Dans un ouvrage récent au titre un peu provocateur, M. Maffesoli avait d’ailleurs cerné les contours de cette nouvelle figure sociétale : Dionysos est le dieu de l’orgie au sens le plus large du terme, à savoir celui de la passion commune, l’orgie ne se réduisant pas au simple orgasme. Le visage de Dionysos semble se dessiner dans tous les affoulements de cette fin de siècle, qu’ils soient musicaux, sportifs, consommatoires, politiques, religieux...

" Le temps des tribus " constitue la seconde figure importante de la société post-moderne, à côté des grandes institutions héritées des XVIII-XIX° siècles. Celles-ci ont perduré jusqu’aux années 1960, à partir desquelles la modernité a vraisemblablement cédé la place à la post-modernité. Ces grandes institutions sont la famille, l’éducation, les institutions de protection sociale, le politique, etc. Mais, à côté de ces " colosses aux pieds d’argile ", se créent maintenant de petites entités, fonctionnant par " affinités électives ", et ce, dans tous les domaines. Loin des grandes institutions, désormais poreuses et mitées, ou, parfois, à l’intérieur d’elles, émergent de petites communautés sexuelles, affectives, religieuses, sportives, etc.

Le " nomadisme ", enfin, est la troisième figure d’une société en train de rompre avec la stabilité apparente de la " modernité ". On assiste à " un grand processus d’instabilité "... Que cette instabilité soit affective, politique, sexuelle, professionnelle, culturelle, " il y a du bouger, une soif de l’ailleurs, un désir d’infini ".

_UV4Dv.jpg




III° Le style d’une époque.



Certes, une telle typologie est un peu caricaturale. Mais, de toute manière, ces tendances existent " en mineur ", si ce n’est " en majeur ", à savoir d’une manière éclatante. Comme l’indique un peu Georg Simmel, très proche en cela de Nietszche, il ne faut pas passer à côté du " roi clandestin d’une époque ". Certes, dominent actuellement l’économie, la " raison raisonnante ", les institutions... Mais le " roi clandestin " est peut-être ailleurs. Telle est l’hypothèse : il s’agit ainsi de repérer le " roi clandestin " de la post-modernité.

L’anthropologue Gilbert Durand avait mis en place une méthode d’analyse des faits sociaux qu’il résumait par la notion de " bassin sémantique ". Par analogie avec le bassin hydraulique, il s’agit de repérer les petits ruissellements qui finissent par engendrer les grandes rivières. On peut alors distinguer, qu’il s’agisse de bassin hydraulique ou sémantique, un cycle de cinq stades successifs : le ruissellement de tout petits cours d’eau, le courant central, le fleuve nominé, le fleuve canalisé (institutionnalisé), et pour finir la perte du fleuve dans le delta. A notre époque, on en est au stade des ruissellements, en passe de constituer un courant central.

Il s’agit alors, pour reprendre le précepte de Georg Simmel, de " repérer le style d’une époque ". Le " style ", chez cet auteur, n’est pas " l’homme ", mais plutôt le stylo, ou le stylet, bref : tout ce par quoi une époque s’écrit. Or, s’il est vrai que l’Histoire est travaillée par un balancement entre " style statique " et " style dynamique ", il semble qu’on accède aujourd’hui à une nouvelle époque dynamique. Plus précisément, qu’est-ce qui permet de repérer ces deux styles ?

1) Le style statique se caractérise par la présence de l’institué, de la stabilité des choses, de la tradition. Dans la civilisation judéo-chrétienne, les illustrations de ce style sont la substance pour la philosophie, Dieu chez les théologiens, et les institutions dans l’ordre social. Dans l’Antiquité, Parménide, le penseur de l’un et de l’être, est le présocratique qui symbolise le mieux le style statique.

2) Le style dynamique est celui d’une certaine " orientalité " ; il repose, non pas sur la simplicité et l’unicité, mais sur " l’impermanence " de toute chose. Le présocratique favori de ce style serait, cette fois, Héraclite, penseur du devenir et du multiple : " on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ". Les maîtres-mots ne sont pas l’institué, le stable, mais l’instituant, le mouvement, le désordre... Chaos qui, par la suite, peut être à la base d’un autre ordre.


IV° La dialectique du statique et du dynamique.



Cette réflexion sur le style amène à l’idée suivante : chaque moment culturel important est précédé de son contraire. Et on trouve bien des illustrations de ce schéma :

1) La civilisation gréco-latine ne peut promouvoir de foyer culturel stable (Athènes, puis Rome) qu’à partir d’une intense circulation des biens, des savoirs et des personnes sur le pourtour méditerranéen.

2) Le Moyen-Âge, civilisation qui donne des réalisations impressionnantes comme les cathédrales, ne peut se comprendre que par une extraordinaire circulation. On trouve cette thèse stimulante chez des historiens comme Le Roy-Ladurie. Le mot français " commerce " traduit bien cette idée. Le commerce n’est pas uniquement celui des biens, mais aussi celui des affects, des idées, de la parole, de l’amour. Cette dynamis est au principe de tout.

3) Le mythe de Dionysos, quant à lui, est l’illustration mythologique privilégiée de cette spirale du dynamique et du statique. La ville de Thèbes est une ville " rationnellement " gérée par Penthée, successeur du fondateur Cadmos. Penthée est une sorte de technocrate qui quadrille la vie de ses administrés... Du coup, la ville ne meurt plus de faim, mais menace de mourir d’ennui (on retrouve cette situation dans nos mégalopoles). Or, la mère de Penthée et les autres femmes de la ville vont chercher le dieu Dionysos, un être étrange et étranger, géographiquement et sexuellement : un barbare " de l’autre côté de la mer ", qui, tour à tour, apparaît sous les traits d’un gaillard barbu ou d’un adolescent androgyne - une divinité arbustive, liée à la terre, à l’humus... et à la fiente. Les femmes instaurent alors des bacchanales et font tuer Penthée, le grand rationnel. Bizarrement, c’est cette violence instituante, ce désordre ritualisé, " homéopathisé ", qui va réanimer la ville. Ainsi, il est vain et dangereux de vouloir écarter tout désordre ; si on essaie, Dionysos se venge en créant la panique (de Pan = Dionysos), une sorte de juste " retour du refoulé ".

4) La sociologie de Durkheim, enfin, est elle-même une illustration discrète de cette dialectique entre le statique et le dynamique. Certes, Durkheim est le prototype du vieux radical-socialiste, rationaliste et moralisateur. Pourtant, il savait repérer et décrire très justement les phénomènes. Dans Les formes élémentaires de la vie religieuse, il analyse des tribus australiennes qui éprouvent le besoin de se rassembler en " état de congrégation ". Ces tribus, ordinairement indépendantes, se réunissent dans une ambiance d’effervescence et d’anomie : promiscuités sexuelles, boissons, drogues, violences, débauches : mais toujours d’une manière ritualisée. Durkheim estime à juste titre que ces tribus " confortent le sentiment qu’elles ont d’elles-mêmes ". Tout anomique que cela soit, ces affoulements sont indispensables à la cohésion du corps social.

On peut dire ainsi, a rappelé M. Maffesoli, que " l’anomique d’aujourd’hui risque bien de devenir le canonique de demain ". " Repérer cela ", a-t-il ajouté, " c’est une question de réalisme ; on ne peut méconnaître la charge fécondante du chaos, et il faudrait avoir la simple sagesse d’être attentif à ce qui dérange " - idée qui s’applique parfaitement à l’interprétation de la post-modernité.

_Q6bHC.jpg



V° La double ambiance des vies post-modernes.



A) La métamorphose.



Il existe tout d’abord une fragilisation des identités sans précédent. Une logique de l’identité, héritée du XIX° siècle industriel, attribuait à chacun un sexe, une profession et des convictions politiques. En outre, elle assignait chacun à résidence. Or, le développement contemporain de la bissexualité, ou d’une certaine " ambissexualité ", la fragilisation de l’identité professionnelle (chômage), la ruine des discours politiques classiques, cela montre une rupture totale avec l’ancienne logique de la stabilité, elle-même bien différente du communautarisme du Moyen-Âge. Les sondages sociologiques ou les " micro-trottoir " montrent qu’il n’y a plus que des " sincérités successives ". On trouve notamment des " séquences " dans le discours politique, et non plus une idéologie de référence : on recueille cinq minutes " de droite ", cinq minutes " de gauche ", parfois aussi cinq minutes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, cinq minute d’écologie, etc. " Il y a des identifications multiples, et non plus des identités typées. "

La fragilisation des institutions (éducation, famille, syndicalisme, politique... ) se traduit par leur état, particulièrement mité. Elles existent toujours, mais on ne les conteste même plus ; émerge plutôt une tactique du coucou, qui consiste à user et à abuser des institutions ; les enfants, notamment, ont tendance à squatter littéralement leurs parents bien après leur majorité. " On voit encore des institutions, comme on perçoit la lumière d’étoiles déjà mortes. "

La fragilisation des idéologies va de pair avec les précédentes. Au XIX° siècle et jusqu’aux années 1960, on avait de grands discours de référence : le marxisme, le freudisme, le fonctionnalisme..., discours qui passaient même dans le langage populaire. Or, aujourd’hui, ces grandes bases de légitimation semblent ruinées. On assiste au contraire à une " babélisation " des discours, on voit émerger une multitude d’" idéologies portatives ", de langues propres à chaque tribu. Ce n’est pas la fin des idéologies, mais une formidable diffraction de celles-ci.

B) Le vagabondage.



On a rompu aujourd’hui avec la logique de l’identité, fondée dès Descartes (je pense, donc je suis, et je pense dans la forteresse de mon esprit). Du reste, au Moyen-Âge, ce n’était pas un moi qui pensait, mais une communauté qui pensait à travers ce moi. A l’heure actuelle, on retrouve donc un " je pense par imprégnation de l’autre ". Trois phénomènes l’attestent. Tout d’abord, le devenir mode du monde, qu’il s’agisse de modes langagières, corporelles, vestimentaires, se marquant par une sorte de " lâcher prise " ou de " laisser être ". Ensuite, le retour en force du pèlerinage, religieux ou non, avec une sorte de " viscosité " de la vie, un désir de " coller à l’autre " (on peut penser au tourisme et aux gens agglutinés sur les plages). Enfin, le vagabondage sexuel, ou le sexe " papillonnant " : il y a 49 % de célibataires à Paris, cela ne signifie pas 49 % d’esseulés ou de chastes ; il y a bien plutôt une " compulsion du carnet d’adresses ", un " ce soir, où et avec qui " permanent ; cette errance affective et sexuelle contraste ainsi avec les valeurs familiales d’autrefois : fidélité et stabilité.



VI° Comment apprécier le changement ?



Les esprits chagrins résument la situation par le trop connu " tout fout le camp ". Mais un verre jugé à moitié vide est aussi à moitié plein : la post-modernité esquisse en ce moment des mutations séduisantes.

Il y a dans ces changements un accueil du non-rationnel : non pas seulement l’irrationnel, mais ce qui est contraire au rationalisme " bourgeois " du XIX° siècle. Le siècle précédent a instauré une formidable occidentalisation du monde, y compris dans ses aspects les plus terrifiants : colonialisme et ethnocentrisme. D’une manière très symptomatique, le Brésil adopta en 1888 une devise inventée par Auguste Comte (" Ordre et Progrès "), les Japonais de l’ère Meiji firent venir des juristes occidentaux pour se doter d’une constitution... Et c’est presque inutile de rappeler le scientisme, le technicisme, la vision programmatique du futur qui caractérisait cette époque. Or, aujourd’hui, on assiste à une " orientalisation du monde ", à l’émergence d’" orients mythiques ", qui se traduisent dans les manières de penser, de s’habiller, de vivre. Il y a un désir de métissage et d’exogamie ; on appelle le barbare Dionysos à la rescousse.

Emerge de la même façon une véritable ouverture à l’autre. Certes, il y a des discours de haine et de racisme, mais de telles crispations révèlent a contrario que le métissage est là, comme une donnée fondamentale. Il est faux de parler d’individualisme contemporain ; la logique de l’individu a désormais cédé la place, notamment chez les jeunes, à une logique de l’imprégnation communautaire, du " faire comme l’autre " - que ce soit pour le pire... ou pour le meilleur ! Cette " ambiance " post-moderne se révèle, par exemple, dans l’impératif de " s’éclater ", à l’opposé du cogito cartésien centré sur l’individualité solitaire. On la trouve également dans la vision partenariale de la nature, c’est-à-dire dans une sensibilité écologique diffuse qui rompt avec l’ancienne vision techniciste. Enfin, atteste aussi de cette ouverture le retour des déités, c’est-à-dire l’engouement pour des religiosités syncrétiques, et non pas d’ailleurs pour des religions ; le " sacré " revient ; il n’y a pas ainsi de désenchantement du monde, au rebours de ce qu’on dit parfois.

Tout cela se résume par le mot : présent. La modernité visait le futur, tant sous la modalité, bien réelle, de la jouissance remise à plus tard, que sur celle, plus hypothétique, de lendemains qui chantent. D’autres sociétés se caractérisent différemment par leur attachement au passé. Mais le style de la post-modernité, sa valeur essentielle, c’est le présent : jouir ici et maintenant. Certes, le retour " archaïque " du carpe diem peut prendre les allures d’un cauchemar ; mais on peut l’éviter en s’attachant aux valeurs dionysiaques comme à de véritables promesses de vie qu’on pourrait apprivoiser et ritualiser.



Source : Maffesoli

lapin · Administrateur

06-05-12 07:24:19

11-07-11 · 13 645

  80 

Entre Raves et réalité


"Une ethnologie de la Culture techno"

Par Anthony Beauchet dans le cadre d'un Memoire de Maîtrise d’ethnologie - 2000


_gUYGQ.jpg



Peu avant minuit, arrivée au Domaine de l’Actuel à Albertville . Sur le parking,
des centaines de voitures occupent les lieux de façon  anarchique.  Le  froid  glace  les
veines de Warren, Christopher et Katty lorsqu’ ils sortent du véhicule, c’ est pourquoi ils se
me ttent à courir pour trouver de la chaleur parm i  une foule  de  jeunes  attendant
l’ ouverture des portes de Futuria 96. Rien ne se passe et tout le monde  sem b le pressé
de savoir  ce qui  se cache derrière les portes vitrées que dissimu lent quelques videurs.
Pour nos trois amis, cette soirée s’inscrit dans l’ ambiance des clubs branchés  qu’ils
fréquentent  chaque  samedi soir depuis un an. Warren a m i s sa belle chemise blanche,
Christopher affiche un tee-shirt orange qui ne passe pas inaperçu et Katty a  enfilé  son  joli
body blanc qui laisse deviner les avantages de sa fém i nité. Mais autour d’ eux, tout  laisse
à penser qu’il ne s’ agit pas d’une soirée habituelle. Derrière eux, une voix lance  :
«  Laissez-nous rentrer,  on est des ravers, pas des clodos !  ». « Raver  »  : que pouvait
bien signifier  ce terme  tout  droit sorti d’un autre univers  ? Quel genre d’événement était
cette fameuse Futuria 96  ? Voilà les quelques questions  qui  présagent  un événement
hors du commun…



_sxVE1.jpg



  Alors que  l’ angoisse s’ empare des trois am is, Warren se rappelle la chance qu’ils ont
eu de pouvoir participer à cette fête. Une place coûte en mo yenne cent 150 FF et ils les ont
gagnées en jouant sur une petite radio de la région. A coté de la foule où les corps  trouvent
de mo ins en m o ins de place, il y a un stand où les billets se vendent à 180 FF :  à  ce prix,
Katty pense qu’il ne peut s’agir que d’un événement énorm e , sûrem ent  à  l’ instar  des
concerts Dance Machine retransm i s sur M6 (et où des jeunes passent  la nuit  à  danser en
adm irant leurs stars de la Dance sur une scène).  Les  portes s’ ouvrent  soudainem ent  et la
pression de la foule s’ ensuit  : derrière Christopher, il y a des centaines de jeunes frigorifiés,
attendant là depuis une heure ou deux. L’entrée se fait au goutte à goutte : une rum eur à
propos de «  fouille  » circule bientôt dans la file d’ attente. Devant Katty, un jeune  perd son
billet,  cherche  désespérément  son  bien et manque de se faire piétiner par les autres. Des
gens  autour de  lui  l’ aident dans  sa  quête alors qu’ il reprend son souffle au-dessus de la
foule  : le billet finit par être retrouvé. Par le plus grand  des  hasards, ce garçon se retourne
vers Katty  : «  J’ adore les rave parties, lui déclare-t-il. Et toi, t’ es là pour quoi ?  T’ aim e s  quoi
com me   style ?  ». Voilà une  question qui suscite l’ angoisse chez Katty et sans réfléchir, elle
répond  : «  J’ adore le Hardcore !  ». Elle ne sait m ê me  pas ce que  cela signifie  vraiment  (la
presse en a déjà parlé, voilà tout  !) m a is qu’ importe puisque son interlocuteur déjà affiche un
sourire et s’empresse de lui dire : «  Moi aussi je kiffe le Hardcore !  Alors  tu vas  pas  être
déçue du voyage avec Carl Cox  !  ». « Carl Cox »  : c’ est qui,  un chanteur ?  Un organisateur
de la fête ? Katty et ses am is s’ interrogent de plus en plus quant à la nature  de cette  soirée
et ils atteignent finalement les portes d’entrée.



_pNlbT.jpg



Ils  sont fouillés de la tête aux pieds après avoir vidé le contenu des poches de leur
veste et de leurs pantalons. Warren m anque d’être refusé d’accès à cause d’ une boîte à
bonbons au  contenu  tout  à fait banal  : les videurs ont cru un mo ment qu’il s’ agissait
d’ ecstasy  ! Après quelques explications, Warren, Christopher et Katty franchissent ensem ble
la barrière des videurs - ce barrage de la loi – et ils se retrouvent dans une salle bercée par
une certaine douceur mu sicale. Peu de personnes dansent,  tous  étant  plus enclins  à  la
conversation. Au fond de cette salle, un couloir anim é  par les effets du stroboscope  donne
l’ impression à Christopher d’avancer au ralenti. De l’autre coté, ils  découvrent un véritable
défilé carnavalesque  : des chapeaux, du m aquillage, des habits délirants,  des  capuches
recouvrant les  têtes  des  danseurs,  des lasers aux poignets de certains participants, des
ma sques  à  gaz…  Pas un danseur ne se ressemb le ! Les corps bougent à la vitesse du
tem po : la salle de gauche propose un am biance proche des discothèques alors que la salle
de droite résonne de puissance sonore et  de rythm i que  ahurissante :  l’ ambiance de cette
dernière est paradoxalement plus planante, les danseurs ayant les yeux rivés  au plafond  en
haut duquel m i xe le DJ. Tout le monde semb le heureux, et ce encore plus dans  la petite
cours  située  à l’extérieur, entre les deux salles : là, le joint se fume  sans scrupule, la drogue
circule et se consomme  non sans discrétion… 



_n08Ty.jpg



Les  trois  amis ont  de  plus en  plus peur mais leur curiosité les incite à rester une
heure  encore.  Ils  essayent de danser ma is le rythm e  ne s’ accom mode pas aux capacités de
leur  corps  :  la fatigue  les  gagne déjà alors qu’en boite de nuit, on les considère comme  « les
rois de la piste ». Comment ces jeunes peuvent prendre autant de plaisir  dans  une  telle
soirée ? Faut-il consom me r des substances illicites pour « tenir le coup »  ? Ni Warren, ni
Christopher,  ni Katty ne comp rennent l’événement auquel ils participent. Décidés à rentrer,
ils traversent de nouveau la salle de leur arrivée et rien  ne va pour les  rassurer  :  tout  le
monde est debout à présent, les yeux perdus, les corps  se balançant  de gauche  à  droite  et
les visages affichant un éternel sourire… Les trois am is ne se sentent vraiment pas à  leur
place  ici  et ils se ruent vers la sortie où un individu leur rem e t un petit papier en leur
précisant : «  Vous partez déjà ? En tout cas, ne manquez  l’ after sous  aucun prétexte  !  ».
Encore un terme  sorti de nul  part, un mystère de plus auquel Warren, Christopher et Katty ne
veulent plus donner réponse. Avant de rentrer dans la voiture, ils se font accoster par  un
hom me   leur  proposant  du Taz et du Trip… Leur réponse est des plus brèves et lorsque la
voiture sort enfin du parking, tous jurent de ne plus jama is vivre une expérience similaire... 




Très bon et très long texte en version intégrale à télécharger ou consulter en PDF ici



Ps : correction demaing smile

Nevrakse · Moderateur

06-05-12 12:24:20

16-10-11 · 4 269

  28 

Le voila le mémoire que je parlai je sais plus ou,merci en tout cas smile

yoî · Sound System

06-05-12 13:35:25

17-11-11 · 237

  

m'en vais lire ca tranquilement,merci wink

la vitesse de la lumière est supèrieure a celle du son,
c'est pour ca que tant de gens parraissent brillants avant d'avoir l'air con!!!!
ko37_m10.gif

lapin · Administrateur

17-05-12 15:43:50

11-07-11 · 13 645

  80 

Transe, musique, liberté, autogestion


Une immersion de douze ans dans le monde des free parties et des teknivals


Par : Guillaume Kosmicki


37e8c21f5d5f.jpg



Il est question dans cet article du monde des free parties et des teknivals, frange la plus radicale et la plus engagée politiquement qui ait émergé autour de la musique techno en Europe. L’auteur a débuté ses recherches en 1994 en se penchant sur les phénomènes de transe qu’il pouvait y observer.

Ces fêtes s’agencent en effet en de véritables dispositifs dont les nombreux inducteurs, spatio-temporels, sensoriels, musicaux, festifs ou encore organisationnels, concourent à obtenir de tels phénomènes. À travers leur énumération et leur description, sont examinées les spécificités propres à ces fêtes particulières, mais aussi les valeurs, les utopies véhiculées par leurs acteurs qui, aujourd’hui, ont largement changé de visage pour différentes raisons, parmi lesquelles le fait qu’ils vieillissent.


Couvron+2011.jpg



Plan
- Au cœur de la fête : la free party comme dispositif de transe
- La musique des free parties : frange dure de la musique techno
- Parkings, camions, squats : la construction orale d’une utopie
- Années 2000 : que sont les techno-travellers devenus  ?




Texte en version intégrale à consulter ici

lapin · Administrateur

18-06-12 14:55:50

11-07-11 · 13 645

  80 

LA TEUF EST FINIE ?


par Joseph Veillard, le Samedi 01 Novembre 2003
Paru dans Technikart n° 77


_qywT0.jpg


Une free-party peut-elle être organisée par le ministère de l’Intérieur ? Alors que la gauche donnait du bâton, Nicolas Sarkozy caresse les teufeurs dans le sens des caméras. Etat des lieux auprès d’une communauté réticente à collaborer.




15h40, le 13 septembre sur le site rezal404.org : « Willy’s Party en danger. Les flics ont débarqué au squat pour saisir le son et les décos. Venez tout de suite au 130 rue Anatole-France à Vitry. Ils veulent nous virer alors que la teuf n’a même pas encore commencé. Plus il y aura de monde mieux ça sera. » Alors que la techno parade dans les rues de Paris, le lieu de la très attendue Willy’s Party est annoncé plus tôt que prévu. La fête revendicative et sans concession organisée en mémoire de Willy Man, musicien underground décédé récemment, semble tourner court. La cinquantaine de personnes qui, depuis trois jours, avaient pris possession d’une usine désaffectée est parquée dans un coin. Après une entrée musclée, la police ratisse le lieu. Dans la rue, une centaine de teufeurs bloquent la sortie du camion qui transporte la sono. Les matraques déblaient le chemin. Tandis que la rue s’échauffe et que quelques personnes prises au hasard se retrouvent en garde à vue, à l’intérieur, les négociations s’activent. Elles dureront jusqu’à minuit. Finalement, la soirée sera autorisée. La peur de voir déambuler des milliers de ravers dans Vitry devant les caméras de télévision a conduit les autorités à passer de la répression brutale à la tolérance forcée. Mais la zone d’autonomie temporaire créée il y a quelques semaines ne masque pas la réalité : fondateur du Sarkoval, Nicolas From Neuilly veut le monopole de l’organisation des teufs.


_Qe2w.jpg


« VOUS REPRENEZ VITE VOTRE SON »




Car tout en appliquant la réglementation ultradissuasive mise en place par les socialistes – fête non autorisée = sono confisquée – Nicolas Sarkozy se transforme en effet en organisateur d’énormes free-parties médiatisées. Symbole de cette politique d’utilisation des ravers pour la propagande, le technival du mois d’août sur les terres de José Bové quelques jours après le grand raout du Larzac. Mais si de nombreux free-parteux acceptent d’être canalisés contre des promesses d’autorisations, des irréductibles refusent l’instrumentalisation. La fête du 13 septembre leur a redonné espoir car elle a démontré que les autorités chargées de la gestion paradoxale de ce phénomène restent fébriles. « Le lundi matin, explique Alexis du collectif Mas I Mas, je suis allé au commissariat pour récupérer la sono saisie et le capitaine, excédé, m’a dit : “Samedi après-midi, j’ai eu des ordres de très très haut pour arrêter la fête et, le soir, les mêmes personnes m’ont tapé sur les doigts en me disant : ‘Mais qu’est-ce que vous avez fait ? Alors, vous reprenez vite votre son et vous partez.’” Il voulait vraiment que ça se finisse. Je crois qu’ils ont laissé la fête se faire pour que ce soit nous qui gérions les milliers de personnes présentes. Mais on reste sur notre faim, car ce qui s’est passé l’après-midi a foutu en l’air notre logistique, on est content d’avoir gagné notre bras de fer. Mais je ne crois pas qu’ils auraient laissé faire à d’autres. On est quand même assez connus, il y avait la présence des médias, d’une avocate et tout le monde était derrière Willy Man. C’était pas une soirée comme les autres. »


_zsALY.jpg



Les autres soirées, de toute façon, il n’y en quasiment plus. Phénomène majeur des années 90, cela fait déjà quelque temps que l’on entend ce constat en forme d’épithaphe : free party is dead. « C’est sûr que l’esprit n’est plus là, continue Alexis. Et ce n’est pas parce que l’on a fait une fête que ce n’est pas mort. Le truc, c’était de jouer au chat et à la souris avec les flics, que ce soit nous qui décidions. Tant qu’on ne mettra pas le poing sur la table, ça n’ira pas. Mais personne ne veut prendre l’initiative, peut-être parce que les manifs à l’occasion de la loi Mariani n’ont rien donné. Je me suis d’ailleurs aperçu que je ne représentais pas les gens car eux voulaient seulement trouver une fête. Alors aujourd’hui, on a des OVNI, entre fêtes légales et free-parties avec des flics qui sont à l’entrée et qui gèrent tout. Quand Attentat Sonore organise sa fête à Mirapolis, ils trouvent le site en faisant une balade en hélicoptère avec la police et on les autorise à faire du black avec les entrées et les consos. L’Etat a besoin de ces fêtes car ce qui ressort, c’est que Sarkozy est gentil. Nous, on voulait montrer que s’il est très fort, il ne fait que lancer de la poudre aux yeux. C’est à nous de trouver les lieux et de les investir. Après, je veux bien négocier mais une fois dans la place. On a montré qu’on était responsable et qu’on savait organiser un événement, alors on le refera. »



« L’ETAT A BESOIN DE CES FÊTES CAR CE QUI RESSORT, C’EST QUE SARKOZY EST GENTIL. NOUS, ON VOULAIT MONTRER QU’IL NE FAIT QUE LANCER DE LA POUDRE AUX YEUX » (ALEXIS).


_cBUbK.jpg


SARKOTEUFS




Ben fait partie des Heretiks, ce collectif obstiné dont le dernier album, Tekno Is Beautiful, vient de sortir. Tekno Is Beautiful, c’était également le nom de la soirée organisée cet été sur un terrain de l’aviation civile dans l’Essonne. Trois jours avant la fête, le terrain en question avait été réquisitionné sur ordre du cabinet de Nicolas Sarkozy. Ambiguïté : alors que les autorités prônent la tolérance zéro et confisquent les portables des fumeurs de joint, la police ferme ici les yeux sur la fraude fiscale ou les trafics de drogue qui se déroulent dans des zones de relative autonomie. Si le ministre s’en félicite, Ben, lui, s’interroge : « Ça a marché mais on n’est pas dupes. Avec la loi du matériel saisi, ils ont trouvé la parade. Mais les autorisations, c’est un truc de malade. Après cinq mois de refus du préfet, il nous a donné le terrain in extremis. Sarko avait pourtant dit que deux terrains par département seraient disponibles et c’est pour ça qu’il avait créé les médiateurs. Or, les préfectures refusent systématiquement les autorisations et les médiateurs ne peuvent rien faire. En fait, Sarkozy ne fait que parrainer un ou deux technivals par an. Moi, je ne veux plus servir d’alibi même si la seule solution, c’est peut-être d’aller dans le sens de l’Etat. »

_zy4Lo.jpg


Travailler avec l’Etat, c’est ce que tente de faire le collectif des soundsystems en se rendant au ministère. Là, la négociation se cantonne souvent à une opération de com’ : « Sarkozy, confie Brieu, représentant du collectif, il adore blaguer devant les préfets en leur disant : “Soyez compréhensifs, vous avez peut-être été à Woodstock et vous ne buviez pas que du jus d’orange.” Il leur dit qu’il faut lâcher la bride et nous promet des terrains militaires. Mais ça va être difficile à tenir car le ministère de la Défense n’est pas d’accord. C’est assez électoraliste et manipulateur. » Sous des allures progressistes, la politique publique actuelle consiste ainsi à gérer un phénomène culturel via des ministères. Super pour l’éclate, géniale pour la créativité… Que ce soit pourtant dans où en dehors du système, ceux qui refusent cette fatalité préparent l’alternative : Brieu en plaidant auprès des autorités pour qu’elles autorisent autre chose que des foires du Trône du boom-boom primaire, les Heretiks en expérimentant à l’étranger une musique trop électique pour un public français avide de stéréotypes, Alexis en préparant un nouvel événement multiculturel autonome. Et si la Sarko’s vibe donnait un bon coup de fouet à un mouvement qui tourne en rond depuis quelques années ?



Source : teknikart

lapin · Administrateur

08-07-12 17:53:00

11-07-11 · 13 645

  80 

Les Membres de Sound System techno : du militantisme à la professionnalisation
Par Lionel Pourtau


_fy8RI.jpg


Cet article s’appuie sur le travail de recherche réalisé depuis 2000 dans le cadre de ma thèse de doctorat. J’ai étudié une dizaine de Sound Systems techno et les ai suivis pendant des années pour analyser les évolutions de leur système de valeurs et de leur rapport à la musique. Les citations utilisées ici sont extraites des dizaines d’entretiens accomplis à cette occasion. Ils ont eu lieu entre 2002 et 2003 et ont été revus par les interviewés en 2004.





Faire partie d’un Sound System techno pendant la période d’âge d’or de la free party, de l’apparition de ce mouvement au début des années 1990 jusqu’à la loi LSQ 1 de 2001, suppose plus qu’une carrière d’artiste, c’est d’abord une carrière déviante. On y développe un système de valeurs basé sur la gratuité et le don volontaire. Ces notions sont souvent opposées à la techno marchande, celle des clubs et des raves. Mais vivre durablement dans le monde de la free party n’est pas possible. Le niveau de précarité que cela induit est acceptable pendant quelques années, pas plus. Après, le dilemme se pose ainsi : soit renoncer à la culture techno, soit chercher à en vivre, ce qui passe par une professionnalisation et donc une commercialisation des prestations jusque là contraire à l’éthique de la free party. Se crée donc à moyen terme une dissonance. Nous allons ici étudier les formes que prend le passage de la subculture de free party à la professionnalisation de ses membres en tant que musiciens rémunérés.


Ces carrières sont à durée limitée, entre quatre et huit ans en moyenne. Il vient un moment où il faut choisir entre rompre avec ce mode de vie ou l’inclure dans une pratique économique susceptible d’apporter un revenu régulier et suffisant au musicien.

En terme de reconnaissance, les mots eux-mêmes sont piégés. Quelqu’un qui ne veut pas vivre financièrement de sa passion est un amateur, le même mot que l’on utilise pour quelqu’un qui débute, qui ne maîtrise pas sa pratique. « Professionnel » possède le même double sens mais inversé : quelqu’un qui fait d’une activité un métier mais qui est aussi expérimenté, compétent, bon dans ce domaine. Signe des temps : si on arrive à vendre son activité, c’est qu’on y est bon. Si on ne la vend pas, c’est qu’on y débute, qu’on y est encore approximatif. Cela se superpose à la valorisation de l’âge. Grandir, devenir adulte, c’est devenir professionnel, c’est devenir sérieux. Le passage à l’âge adulte est le niveau sociologique pertinent : c’est au moment de ce passage que s’articulent le plus nettement changement d’âge et construction de la position sociale.

_ODxYa.jpg


On ne traitera pas ici des dimensions strictement économiques mais plutôt des systèmes de valeurs liés aux positions sociales.



Texte en version intégrale à consulter ici

bassandbass · Bass Explorer

06-08-12 22:42:47

06-08-12 · 36

  

je n'ai lu que des bout de ta thèse. Mais c'est magnifique, la sociologie étudiant la culture techno.. woaah, Sans être vulgaire, je suis profondément sur le cul!
Donc merci bcp c'est super enrichissant de te lire!

Toutes choses, proche ou lointaine, secrètement,
sont reliées les unes aux autres.
Et vous ne pouvez toucher un fleur, sans déranger une étoile.