Bonjour, Invité · Connexion · Inscription
Pages : 1 2 3 Suivant

lapin · Administrateur

16-11-11 15:57:24

11-07-11 · 13 645

  80 

[Dossier] La culture et la Techno : quelle réalité ?



Sommaire général du dossier




1 - Qui a encore peur de la musique Techno ?
2 - Entre ombre et lumière : la rave
3 - Le sens musical en free-party aujourd’hui : entre idéologie et utopie
4 - Déviant, délinquant,  militant : parcours de vie dans la subculture technoïde
5 - L'univers techno de la teuf : entre marginalite et post-modernite
6 - Temporalité et spatialité dans le dispositif esthétique de la free party
7 - Zones temporairement libres et autonomes: les Free Party
8 - Politiques de jeunesse et musiques électroniques. Entre rave-party et Teknival, quelle évolution des grands rassemblements ?
9 - Les raves ou la mise à l'epreuve underground de la centralité parisienne.
10 -Le Sound System, un laboratoire de métiers
11 - Le mouvement underground techno en Europe
12 - Le DJ face au miroir tendu par les universitaires : relativisation et analyse critique
13 - Musiques et fêtes techno : l’exception franco-britannique des free parties
14 - Au son du camion
15 - L’ Histoire secrète des Free-ParTy
16 - Tribus modernes et nomadisme techno
17 - Entre Raves et réalité : "Une ethnologie de la Culture techno"
18 - Transe, musique, liberté, autogestion : Une immersion de douze ans dans le monde des free parties et des teknivals
19 - La teuf est finie ?
20 - Les Membres de Sound System techno : du militantisme à la professionnalisation ?
21 - Les interactions entre raves et législations censées les contrôler.
22 - Free party : une aire de Je(u) dans l’air du temps
23 - Quand l’État «crée» ses interlocuteurs: Le ministère de l’Intérieur face aux organisateurs de raves
24 - Goa aux portes des métropoles. Communautés transnationales et musique techno
25 - Free party : une aire de Je(u) dans l’air du temps
26 - Raves et démagogie, par Lionel Pourtau




Qui a encore peur de la musique Techno ?




_l19k.jpg




Florian officie la nuit sous le nom de Dj Speedloader, et écrit sur le blog Culture Dj.


"La Techno en tant que musique, c’est l’étendard du fun dans une société post-triste." Toute l’Europe s'y est mise, la France s’y refuse. Florian Pittion-Rossillon nous livre son analyse."




Le rock en tant que culture, c’était du prêt-à-penser pour les baby-boomers de la génération consommation. La Techno en tant que musique, c’est l’étendard du fun dans une société post-triste. On aimerait s’y rallier dans une ferveur prophylactique. Mais voilà, on ne peut pas.

A la fin des années 80, il est de bon ton d’en rire après l’avoir affublée d’un « musique de pédés » sans appel. Au milieu des années 90, s’inscrivant dans le temps et s’arrogeant une popularité croissante, elle fait peur. Au début des années 2000, la Techno, devenu réservoir à fantasmes, voit les édiles organiser promptement sa cérémonie funèbre : le « retour du rock ». Parce que le format groupe / couplet-refrain / album / concert-qui-se-termine-tôt, c’est forcément mieux.



Le DJ est devenu une figure populaire, trop bien pour les meufs.




Est-ce que les BB Brunes, The Gossip et les Libertines ont libéré la France de l’angoisse qui poigne ses entrailles à chaque évocation du Mot ? La Techno fait-elle (encore et toujours) peur ?
Moins ! Car elle s’est banalisée.
- Après 25 ans dans le paysage, elle profite de l’effet « on-s’habitue-à-tout ».
- Le DJ est devenu une figure populaire, généralement affublée des valeurs de sympathie, fun, mode, trop bien pour les meufs.
- Les sonorités électroniques dansantes sont partout, de la musique de publicité à la pop de jeune fille à frange.
- La Techno a libéré les danseurs occasionnels de la honte d’avoir à effectuer des pas de danse imités d’un film ou d’un clip.


_TENbX.jpg





Les sonorités électroniques dansantes – boucles, beats – sont utilisées partout : pop, R&B, hip-hop






Mais toujours trop ! Car la France a peur.
- Après 25 ans dans le paysage, la Techno pâtit de l’effet « free party », dont l’ampleur en France la distingue de ses voisins européens
- Le DJ est devenu une figure populaire, souvent raillée, car bien peu de gens savent ce qu’il fait vraiment quand il n’a pas les bras en l’air.
- Les sonorités électroniques dansantes – boucles, beats – sont utilisées partout : Pop, R&B, Hip-Hop, mais signalées nulle part. Moderne ingratitude.
En France, Techno rime toujours avec malentendu. La réunion de conditions propices à son développement, grâce à l’expansion de la culture New Clubbing, n’y suffit pas : subsiste un goulet d’étranglement. Tentative de détection.


_xvJj0.jpg




La Techno peine à faire reconnaître sa viabilité économique




Dans l’écosystème Techno, tout se joue sur le dancefloor. Tout s’y passe, tout en vient. A la base de la pyramide : les DJ bars. Puis, en montant : les clubs (le cœur de l’offre), les raves/events, et les festivals.


En France, la Techno peine à faire reconnaître sa viabilité économique car son circuit de diffusion physique est déséquilibré et rachitique. Il y a très peu d’évènements et de festivals, et les clubs qui tournent, au cœur de l’offre, sont peu nombreux. Par conséquent, les dernières années ont vu une scène Techno essayant de se développer par le point d’entrée le plus accessible, les bars.

Or, quel que soit leur équipement et leur communication, ils ne pourront jamais prétendre proposer un niveau d’ambiance équivalent à celui des clubs, et a fortiori des évènements. Les bars, c’est bien pour les before, et pour que les DJ débutants se fassent la main. Jamais ils ne rendront la nuit magique. Les bars sont une fausse piste.


_xvJj0.jpg




Les angoisses gauloises, nourries de récits apocalyptiques de free parties saccageuses de pâturages.




Alors, lestée d’énormes contraintes, anémiée par la rareté des fondamentaux, la scène française est fertile en épiphénomènes et en figures extra-Techno (David Guetta, Justice, Daft Punk, à la Techno ce que les Beatles étaient au rock : une gentille initiation) constituant la marge d’un épicentre que l’on aimerait voir croître enfin.



Les associations, cœur et poumon de la scène Techno française.



_NaFsb.jpg




L’éco-système Techno français, dynamique mais peu structuré, peinant à se doter d’évènements très visibles, souffre par suite d’un déficit de représentation médiatique. D’où la persistance des angoisses gauloises, nourries de récits apocalyptiques de free parties saccageuses de pâturages.
Les observations qui précèdent ne diminuent en rien le travail héroïque des associations, cœur et poumon de la scène Techno française.

Associations qui, malgré le coût exorbitant des lieux, les pressions subies pour tapage nocturne (accentuées par la législation sur la cigarette imposant au public de fumer dans la rue si le lieu n’a pas de fumoir), et la concurrence des DJ bars ayant reconverti leurs caves en piste de danse, continuent d’animer nos nuits.
Les observations qui précèdent ne diminuent en rien le travail courageux des clubs et lieux qui maintiennent des programmations audacieuses, drôles, innovantes, ou alors simplement distrayantes. L’entertainment n’est pas honteux.




L’arrivée de professionnels de la communication et du spectacle




Il reste que pour que la France arrive à vaincre sa peur de la Techno, il faudra que celle-ci réussisse son intégration économique à grande échelle. Celle-ci passe par la viabilisation d’une économie des clubs, raves/events et festivals. Et donc par un afflux massif de professionnels de la communication et du spectacle dans la conception et la promotion d’évènements Techno. La décennie 2010 sera celle de la rencontre entre son potentiel mal connu et une économie des clubs basée sur des modèles à renouveler. Espoir !
A suivre donc :
- La Techno, quel potentiel pour quel bénéfices ?
- Les clubs, quels modèles pour quel avenir ?



En gardant en tête que pour la Techno, tout se joue sur le dancefloor.



___

Cet article a été initialement publié sur Culture DJ

lapin · Administrateur

16-11-11 16:16:36

11-07-11 · 13 645

  80 

Ce post est le premier d'une longue série autour de la culture Techno.

Certaines réflexions seront le fruit de journalistes, d’écrivains, de musiciens, d'etudiants...

N'hesitez pas à réagir

La culture est un droit

lapin · Administrateur

17-11-11 21:17:19

11-07-11 · 13 645

  80 

Entre ombre et lumière : la rave



_fDq2A.jpg




Les rassemblements techno occupent beaucoup de nos pensées, de notre imaginaire, de nos discours. Que penser de cette masse de jeunes qui succombent des heures durant aux charmes des musiques électroniques ?
Que penser de ces substances, quelles soient chimiques ou naturelles, qui mutent les corps, les consciences et qui deviennent l’espace d’une nuit les compagnons inséparables ?
C’est là un fait troublant et intrigant car, dans ces poches émotionnelles que sont les Rave Party, tout se mélange, aussi bien la passion pour la musique que la passion des drogues. Tout se mélange car aussi tout se détourne, se recycle, y compris ces moments d’étouffements où se consument insidieusement tous ces désirs ardents.
Dans ce contexte en mouvement, que veut dire encore fêter, s’amuser, danser, se divertir et tout simplement être ? Est-ce tout simplement d’un Être en transition, d’un être en devenir dont il est question ?



Jean-Paul Méloni



Plan :




Introduction



I. Un peu d’histoire



II. Les Raves : une pratique de détournement



Le temps de la Rave



Les drogues :la part maudite de la Rave



Les multiples fonctions des drogues




Lien pour un article très complet et rudement intéréssant à cette adresse : http://leportique.revues.org/index136.html

Nevrakse · Moderateur

18-11-11 11:06:08

16-10-11 · 4 269

  28 

J'avais trouver un méga texte,une genre de these sur la free,genre 200 pages,mais impossible de remettre la main dessus,c'est bien dommage

lapin · Administrateur

18-11-11 20:33:42

11-07-11 · 13 645

  80 

Je pense l'avoir Nevrakse sa sera d'ailleur probablement ajouté à ce dossier wink

Sinon pour poursuivre ce dossier aujourd'hui voici :

Le sens musical en free-party aujourd’hui : entre idéologie et utopie :



Par Guillaume Kosmicki



_ETYgr.jpg




Cette contribution est issue des résultats de la thèse que je suis en train d’achever, qui a pour intitulé La techno, approches anthropologiques. Elle est aussi à sa manière une sorte de bilan d’un parcours de six années de recherche et de fréquentation des fêtes techno, principalement des fêtes clandestines (free parties) du sud-est de la France, fêtes auxquelles j’ai consacré plusieurs travaux. Nous nous attacherons à la problématique qui a servi de fil d’Ariane à mes recherches : le sens de la musique techno, la signification que l’on peut lui prêter. Quelques précisions préalables sont nécessaires à ce sujet.

Doit-on considérer la musique comme une coquille vide, réceptacle non signifiant dans l’absolu que les pratiques sociales qui l’accompagnent vont «habiller », auquel elles vont prêter sens ? Je ne pense pas. S’il est vrai que les médiations dont parle Antoine Hennion dans sa sociologie de la musique ont une importance capitale pour le sens d’une production musicale, je reste persuadé que la production en elle-même est porteuse de sens, porteuse d’un sens qu’elle seule est capable d’apporter, en tout cas de la manière dont elle l’apporte. La musique n’est pas une activité superfétatoire, qu’on pourrait évincer par l’usage de la parole, par exemple. Pourquoi, dès lors, la conserverait-on si le langage verbal suffisait à dire ce qu’on souhaite ? Bernard Vecchione résume bien la manière dont on doit la considérer, comme « une forme de connaissance, à part entière, du monde», « forme de connaissance sensible et d’expression non verbale du savoir », au même titre que toute autre forme d’art. Inversement, on ne saurait arracher une musique du contexte anthropologique qui la suscite ou dans lequel elle s’exprime. C’est donc bien sur une dialectique musique-société que repose le sens que nous recherchons, et pas sur l’une sans l’autre. C’est pourquoi une recherche du sens musical se rapproche notamment du travail qu’a réalisé Pierre Francastel dans le domaine de la peinture, à l’aide de cette sociologie de l’art qu’il a nommé du « déchiffrement ». Le sens musical sera recherché dans une cohérence entre la musique techno, le mouvement free-party et le cadre social dans lequel ils s’insèrent.

_wiGI5.jpg


Je parlais plus haut de cet article comme d’une sorte de bilan d’un parcours personnel. A-t-on le droit de parler de sa propre expérience dans un article « scientifique » ? A-t-on le droit de poser sur le tapis sa propre histoire, son propre parcours au sein des pratiques sociales qu’on étudie ? D’une certaine manière, je répondrais oui. En premier lieu, la majeure partie de mon travail s’est reposée sur des méthodes d’observation participante.
Ensuite, d’une manière plus générale, notre compréhension du monde se base sur notre participation à ce monde, une appartenance que personne ne saurait remettre en question, base même de notre être, fondement le plus profond de tout acte de compréhension. C’est ici à l’herméneutique que je me réfère et principalement à Gadamer qui a le mieux exposé ce fondement de la compréhension à travers une étude de l’expérience de l’art, mais Ricœur a mené cette recherche plus avant en écrivant que « comprendre, c’est se comprendre devant [l’œuvre]" mêlant ainsi pleinement notre appartenance à la situation et notre distanciation par rapport à cette situation.
Même encore récente, la techno et ses pratiques n’en ont pas moins une histoire, riche de quelques dix années pour la free-party. Et cette évolution historique, outre par des témoignages, c’est au travers de la propre expérience que nous en avons fait que nous sommes capables de la ressentir, expérience qu’il ne faut en rien rejeter mais dont il nous faut nous réjouir comme d’un atout. Etienne Racine parle du temps de la rave (nous y consacrerons nous-mêmes quelques lignes) ainsi que de la rave dans le temps, mais du point de vue des participants. Or, il est tout aussi intéressant, aujourd’hui, avec le regard plus distant que nous pouvons en avoir, d’observer aussi l’évolution de la rave dans le temps d’un point de vue historique.

_Yt0J7.jpg


Le sens musical de la techno sera recherché au travers de deux thèmes intimement liés, idéologie et utopie, qui nous serviront de guides tout au long de cet article. Plus précisément, nous nous attacherons à montrer comment l’utopie techno qui animait ce mouvement il y a encore cinq ans a pu se dégrader, perdre son sens, et finalement en bien des points réintégrer les aspects idéologiques qu’elle combattait, souvent malgré ses acteurs. C’est à nouveau à la lumière de Ricœur que je considère les thèmes de l’idéologie et de l’utopie.
Il explique le lien fort qui unit ces deux concepts qui jouent un rôle complémentaire de l’imagination, l’idéologie comme «imagination reproductrice » et l’utopie comme « imagination productrice ». Chacun des trois niveaux sur lesquels elles reposent se répondent et se correspondent naturellement : quand l’idéologie, à la lumière de Karl Marx, se manifeste comme «dissimulation » ou « distorsion de la réalité », l’utopie souffre quant à elle d’une « pathologie » de la « fantasmagorie » ; quand la première est « légitimation » d’un pouvoir en place, l’autre offre « l’alternative » à ce pouvoir ; enfin, la fonction fondamentale «d’intégration » de l’idéologie (concept emprunté à Clifford Geertz) et de préservation de l’identité individuelle et collective est contrebalancée par « l’exploration du possible » utopique, qui est aussi par essence celle aussi d’un «nulle part ».



Si la suite de cet essaie vous interesse, celui-ci est disponible en version intégrale à cette adresse : http://www.cairn.info/revue-societes-2001-2-page-35.htm

Pour ceux souhaitant en savoir plus sur Guillaume Kosmicki, l'auteur de cet essaie retrouvez son interview ici

Nevrakse · Moderateur

19-11-11 13:40:05

16-10-11 · 4 269

  28 

Ya des trucs super intéressant,j'ai regarder vite fait en diagonal,et mais je pense me penché sur tout ca des que j'ai un peu de temps !

lapin · Administrateur

19-11-11 18:07:20

11-07-11 · 13 645

  80 

ça fait plaisir de voir quelqu'un intéréssé par le sujet wink


Le dossier continue aujourd'hui avec :

Déviant, délinquant,  militant : parcours de vie dans la subculture technoïde



Par Lionel Pourtau



_2zUDJ.png




La subculture technoïde est née d’une innovation artistique, la techno, et organisationnelle, la free party. A partir de récits de vie et d’observations participantes, nous étudierons plusieurs types de parcours qui ont amené des jeunes gens, amateurs de techno à circuler entre ces trois pôles : amateurs, délinquants ou militants au gré des interactions avec l’environnement social, judiciaire ou législatif. Certains ont vécu toutes les étapes, d’autres non. Nous chercherons à montrer en quoi la capacité à symboliser son expérience puis à accéder à la parole publique (individuellement ou à travers un groupe de pairs considéré comme représentatif) sont les angles de compréhension adéquats pour expliquer les différentes évolutions. Dans le cadre d’un reflux des idéologies, du moins dans les classes populaires, l’acte politique apparaît parfois là où on l’attend le moins.



_iuck8.jpg


Plan :



- Introduction



- Éléments diffus d’idéologie



- L’éloignement de la norme sociale



- Éléments d’idéologie



- De la différence à la délinquance puis à la retraite



- Le rapport à l’acte illégal



- Les cas "Mozart" et "Bach"



- Les dealers en free partie et teknivals



- Répandre sa différence : Un militantisme partiel à durée limitée



- La forme la plus commune de militantisme : la volonté de transmettre



- L’inchoativité comme limite structurelle du militantisme technoïde



- L’art comme retraite



- Conclusion



Cet article très intéréssant est disponible dans son intégralité à cette adresse : http://socio-logos.revues.org/561

lapin · Administrateur

21-11-11 15:03:31

11-07-11 · 13 645

  80 

Pour continuer ce dossier, voici un excellent document réalisé par une étudiante : Noémie Lequet

Ce document est un Mémoire réalisé en 2010 dans le cadre d'une maitrise en sociologie, il s'agit donc un énorme pavé il faut l'avouer mais pour les intéréssé il y a pleins de bonne choses à l'intérieur.


L'univers techno de la teuf : entre marginalite et post-modernite


Par Noémie Lequet


_ExLm3.jpg




Le monde de la teuf à proprement parler est né en Angleterre à la fin des années 80 et a par la suite franchi la mer pour se propager en France, mais aussi aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Europe de l'Est sous des formes parfois très diverses. On traitera ici principalement du cas français même si un passage par son histoire anglaise est nécessaire pour comprendre ce qu'il en est aujourd'hui dans l'hexagone.

Ce mouvement, parce qu'il est lié à une musique qui n'est pas encore entrée dans les moeurs au point qu'elle est parfois considérée comme du bruit et à l'usage de substances psychotropes mais aussi parce qu'il séduit des jeunes de plus en plus nombreux qui apparaissent comme des marginaux aux yeux d'observateurs extérieurs, nécessite de s'y pencher de plus près. Ainsi, depuis le milieu des années 90 en France, quelques chercheurs en sociologie, mais aussi en anthropologie, en musicologie, ou en histoire ont produit des analyses du phénomène.

On cherchera dans le présent travail à comprendre quels mécanismes peuvent être à l'origine de l'existence du monde de la teuf. En effet, comment peut-on expliquer qu'une scène illégale et par là marginale perdure aujourd'hui, alors que la musique techno est un peu plus entrée dans les moeurs ?

Il faudra, pour répondre à cette question, se demander préalablement si l'expérience vécue de la teuf par les teufeurs est individuelle ou collective. Mais aussi, dans quelle mesure les teufeurs sont-ils intégrés dans l'univers free-party ? Cette intégration a-t-elle des conséquences sur leur sentiment d'affiliation à la société ? Dans quelle mesure peut-on considérer qu'une dimension idéologique et politique sous-tendrait le phénomène techno ?



Ce mémoire est disponible dans son intégraité à cette adresse : http://www.memoireonline.com/10/10/4040 … rnite.html



N'hesitez pas à prendre le temps de le parcourir smile

lapin · Administrateur

27-11-11 12:59:50

11-07-11 · 13 645

  80 

Temporalité et spatialité dans le dispositif esthétique de la free party



Par Sébastien Thibault




_bIvwm.jpg




Dans un précédent travail, nous nous étions interrogés à la lumière du fameux article de Walter Benjamin intitulé l'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique sur ce que pouvait bien être l'aura d'un mix techno lors d'une free party, soit selon les propres termes du philosophe « son hic et nunc », « l'unicité de son existence au lieu où elle (l'œuvre d'art) se trouve ». Et nous en avions conclu que si un mix techno semble a priori dénué d'aura dans la mesure ou le dj se contente de mixer des disques produits en série eux-mêmes dépourvus d'aura puisque constitués de fragments sonores détournés à l'aide des technologies de reproduction numérique du son (ordinateur, séquenceur, sampler,...), il retrouve cependant lors de son actualisation dans l'espace/temps restreint de la free party une aura puisque ce mix est absolument unique dans le moment et le lieu où il est joué, son hic et nunc devenant ainsi comparable au « chœur exécuté dans une salle de concert ou en plein air » pour reprendre un exemple de Benjamin. C'est alors que nous avions pu parler de second degré de l'aura dans lequel nous plonge la techno dans la mesure où celle-ci fait resurgir l'aura à l'aide des technologies de reproduction analogiques (platines) et numériques (ordinateur, sampler, beatboxs,...) qui avaient auparavant procédé à sa liquidation ; de même que des fragments sonores épars sont détournés par les dj's pour être incorporés à leur mix, les technologies de reproduction du son utilisées pour ce détournement et cette altération de l'aura musicale sont elles-mêmes détournées pour servir de technologies de production du son incorporées dans le dispositif esthétique de la free party.

Autrement dit, la techno réussit ce tour de force qui consiste à recréer de l'aura avec les mêmes instruments qui avaient jadis procédé à sa destruction mais cela uniquement dans la mesure où elle est jouée live, c'est à dire dans l'espace/temps bien particulier de la free party. Ainsi toute forme d'enregistrement magnétique, numérique ou vidéo de la performance du dj en free party procédera t'elle à la duplication de l'originalité de cette performance qui dès lors verra son « occurrence unique » remplacée par son « existence en série » au même titre que le concert de rock live enregistré sur cd's et vendus en une infinité d'exemplaires .

Aura au second degré disions-nous donc mais également aura présentéiste, aura absolument inscrite dans le présent participatif de la performance et qui contrairement au tableau de maître par exemple n'est pas destiné à durer mais à s'épanouir puis définitivement s'évanouir dans l'instant et le lieu même de sa production. Car si telle toile de Vélasquez ou de Rembrandt possède une aura qui provient avant tout d'une sorte de phénomène de résonance entre l'inscription historique de l'œuvre dans le passé et le présent de la contemplation, il n'en est plus du tout de même de la performance du dj en free party ou ce phénomène est court-cicuité dans la mesure où « l'œuvre » est produite et contemplée dans le même moment, définitivement perdue pour les générations futures qui n'auront plus accès dans le meilleur des cas qu'à son enregistrement, sa copie, sa trace mais non à l'œuvre elle-même.
Dès lors si l'aura de l'œuvre classique nous plonge dans le passé ou fait résonner le passé, l'histoire et la tradition dans le présent de la contemplation, l'aura de la performance contemporaine possède cette singulière capacité à nous enraciner dans le présent, à faire affleurer le présent dans le présent même de la participation (« Ticket to now » est le titre d'un des vinyles de la mythique Spiral Tribe).
Cependant si nous n'avons fait jusqu'ici qu'induire intuitivement ce caractère présentéiste de l'aura de la techno mixée en free party, nous ne sommes pas encore parvenus au cœur du dispositif fondant la singularité de notre phénomène ainsi que celle du présent dans lequel il nous plonge, au cœur du processus de chronomorphose en rupture avec la temporalité quotidienne.

_IThtw.jpg



C'est que dans l'infinie variété des mouvements de la musique pop, nous pensons qu'il est possible pour chacun d'en déterminer la nature du dispositif qu'il met en œuvre (incluant le son bien sûr mais aussi les lumières, les décors, les vêtements, les attitudes,...) pour affirmer son unicité qui serait comme l'aura de chaque mouvement. Ainsi du dub et de son dispositif « aquatique » avec ses effets moites et détrempés de reverb et d'écho, son jeu de lumières froides virant à l'ultraviolet, ses fumigènes et ses volutes de skunk flottant dans l'assemblée,... ; ainsi du heavy metal et de son dispositif de « saturation électrique » avec son mur de son de guitares distordues, de hurlements gutturaux et autres borborygmes,... ; ou du gothique qui reprend certains éléments du heavy metal tout en y ajoutant une sensibilité post-romantique avec une forte esthétisation d'éléments morbides issue d'un croisement avec la cold wave des années 80.

Pour ce qui est de l'underground techno qui nous concerne, nous pensons que l'essentiel de son dispositif peut être qualifié de machinique puisque principalement fondé sur la répétition mécanique et lancinante des mêmes échantillons sonores et particulièrement du beat. Et si l'ensemble des musiques pop occidentales peuvent être qualifiées de répétitives ( répétition des couplets, des refrains, des riffs, des bridges et des breaks ), aucun autre mouvement musical n'a poussé la répétition aussi loin que ne le fait la techno et plus encore l'underground techno qui contrairement à des styles comme la trance goa ou la house a totalement annihilée toute structure mélodique pour ne plus faire porter la répétition que sur la prégnance absolue du beat et des basses entièrement soumis à la structure rythmique martiale du « four-on-the-floor »(le 4/4 martelé de la pulsation ou chaque ajout, suppression ou modification par filtrage d'une piste sonore ne peut être effectuée que toutes les 4 mesures ou 16 temps). Ainsi la techno underground nous introduit-elle dans la répétition pure de molécules sonores digitalisées et par là même parfaitement identiques, la variation ne portant dès lors plus sur les mélodies mais sur les fréquences que les dj's modifient par divers filtres incorporés à leurs machines électro-numériques de traitement du son. La techno underground est un son hypnotique en ce sens très précis qu'il plonge l'auditeur ou plutôt le récepteur dans la répétition pure où -comme l'a bien vu Bergson à propos de l'architecture et de la symétrie des formes, la perception étant alors plongée dans un état oscillant du même au même -l'être perd conscience de son individualité puisqu'il n'est plus ramené à soi dans la perception des différences de la réalité ordinaire .Dans cet état d'hypnose collective dans laquelle sont plongés les ravers, le couple son/drogue provoque une profonde altération de la conscience qui ne perçoit dès lors plus le temps et l'espace tel qu'elle les perçoit habituellement.

Toujours dans son essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson consacre de nombreuses pages à montrer que la vie sociale et surtout l'usage du langage qu'elle implique provoque une sorte de dédoublement du moi qui nous force à extérioriser nos sensations successives en les désignant par des mots, fixant ainsi chaque événement ou moment en le séparant superficiellement des autres. Cependant précise t'il, dans les régions plus profondes de notre conscience subsiste cette donnée immédiate qu'est la perception de la durée vraie définie comme « succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns par rapport aux autres », constituant « une espèce de phrase musicale ». Et il est remarquable que pour tenter de définir son concept de durée, Bergson ne cesse de renvoyer à des exemples de répétitions sonores : bruit de pas d'un passant sur le trottoir, cloche sonnant les douze coups au loin, enclume frappée par un marteau. Nous pouvons toujours dénombrer les sons que nous percevons, établir superficiellement une séparation pour les aligner dans un temps homogène abstrait mais nous dit Bergson, une perception intérieure vitale se déploie parallèlement dans un temps hétérogène ou chaque instant est comme fondu dans les autres, le précédent et le suivant, indénombrable et irréversible, fondu dans l'intime organisation de ces instants comme pure durée. Ainsi écrit-il : « Quand nous comptons explicitement des unités en les alignant dans l'espace, n'est-il pas vrai qu'à côté de cette addition dont les termes idegntiques se dessinent sur un fond homogène, il se poursuit, dans les profondeurs de l'âme, une organisation de ces unités les unes avec les autres, processus tout dynamique, assez analogue à la représentation purement qualitative qu'une enclume sensible aurait du nombre croissant des coups de marteau ? »

_gPxwZ.jpg



La répétition sonore possèderait dès lors cette faculté, par l'engourdissement des zones superficielles de la conscience qu'elle suscite à travers le phénomène d'hypnose, de nous entraîner dans un processus de chronomorphose où le temps cesserait de mutiler l'être dans une perception séparatrice du monde pour au contraire le fondre dans la mélodie immanente au rythme vital que constitue la pure durée bergsoniste.
Sous les coups de boutoir isochrones des ondes infrabasses déferlant des murailles de baffles, l'entité collective formée par la masse des ravers n'est elle pas semblable à cette « enclume sensible » où chacun est entraîné dans une intime perception de la durée interne à chaque être et où les signaux sonores et lumineux défilent en cascade dans le système perceptif, empêchant la conscience de se réfléchir sur la succession des différences pour s'oblitérer dans la répétition du même (qui n'exclut toutefois pas la variation)?
Selon un tout autre axe de recherche, un sociologue comme Norbert Elias a bien montré combien la perception d'un temps homogène s'inscrivait dans ce qu'il appelle le « processus de civilisation », perception socialement régulée et régulatrice d'un temps neutre rapporté à ses étalons de mesure objectifs que sont les calendriers et les horloges. Ainsi écrit-il : « Dans de nombreuses sociétés de l'ère moderne est apparu chez l'individu, en liaison avec l'élan collectif vers une différenciation et une intégration croissantes, un phénomène complexe d'autorégulation et de sensibilisation par rapport au temps. Dans ces sociétés, le temps exerce de l'extérieur (...) une contrainte éminemment propre à susciter le développement d'une autodiscipline chez les individus. Elle exerce une pression relativement discrète, mesurée, uniforme et dépourvue de violence ; mais qui n'en est pas moins omniprésente et à laquelle on ne peut échapper. »

Ce qu'on appelle contrôle social passe avant tout dans l'intégration contrainte de ces normes par les individus dès leur plus jeune âge. Comme le dit Bergson « Ainsi se forme un second moi qui recouvre le premier, un moi dont l'existence a des moments distincts, dont les états se détachent les uns des autres et s'expriment, sans peine par des mots. ». L'individu est dès lors projeté dans la perception abstraite d'un temps homogène, linéaire et projectif qui fait de lui un automate autorégulé, agissant dans un état proche du « somnambulisme » (Bergson), mais tout à fait capable d'exprimer et de partager par le langage la suite des moments qu'il perçoit superficiellement distincts les uns des autres. Mais, dans certaines circonstances et par certains artifices, la pression qu'exerce ce second moi peut finir par se relâcher, laissant alors affleurer l'autre moi dans la perception intuitive de la pure durée qui enchaîne les instants dans un temps hétérogène ou succession implique fusion mais aussi intériorité et incommunicabilité.
L'aura de la techno underground distillée en free party se fonde directement sur cette perception intime et collective à la fois de cette durée bergsoniste, de ce présent qui dure (A. Petiau) dans lequel la répétition des mêmes molécules sonores plonge chaque raver en constituant un espace sonore clos et rassurant, une cage sensorielle où la conscience angoissée d'un temps social linéaire et projectif est provisoirement barrée, annulée. Comme le notait à sa manière K. Eshun, un jeune auteur anglais : « La techno est un funk anguleux pour androïdes, hommedroïdes et femmedroïdes. Plus qu'anguleuse, elle est cubique : la techno transmet des sensations de sons cubiques et tubulaires, produit une dissonance cognitive dans tout le grand cerveau du corps. Ses rythmes-textures provoquent une intrication inextricable, transforment les membres du corps en un labyrinthe dissonant qui gêne et déroute, menace et supplie. »



Il y a dans l'effet d'accoutumance des teufeurs pour le son qui, dans le langage, est souvent assimilé avec le produit consommé lors de son écoute, une tendance instinctive à faire de la répétition une source de plaisir, source de plaisir d'autant plus démoniaque que le son sera « gênant et déroutant, menaçant et suppliant » et vécu comme une commotion dans tout le corps. Une forme de proto-masochisme de groupe est à l'œuvre en free party, une soumission inconditionnelle et insurrectionnelle à la cadence du beat imposée par la Machine qui sera d'avantage source de jouissance qu'elle sera mécanique et brutale.

Parallèlement à cette inscription dans le présent d'un Temps hétérogène, un espace sonore convergent est tracé, espace paradoxal ou change de nature la limite entre l'intérieur et l'extérieur qui n'est dès lors plus d'exclusivité mais de réciprocité. En effet comme l'a bien montré un cyber-théoricien comme Erik Davis à propos de cette autre musique électronique qu'est le dub, celle-ci avec ses sonorités futuristes renvoie tout autant à un espace extérieur lointain qu'elle plonge également l'auditeur dans un espace intérieur grâce à l'utilisation massive d'effets de reverb et d'echo procurant une sensation de clôture, un effet de voyage introspectif : « Nous sommes dans une sorte d'espace intérieur « à l'extérieur », une matrice liminale » écrit Davis. Or, il nous semble que ce qu'analyse Davis du dub peut être généralisé à l'ensemble des musiques électroniques actuelles et particulièrement à la techno hardcore jouée en free party dont le psittacisme sonore renforce encore d'avantage cette sensation de clôture sur soi, d'hypnose au sens où la conscience est engourdie par un perpétuel renvoi du même au même dans la pure répétition machinique. Et cette tendance du son à provoquer l'introspection, le voyage intérieur, se voit doublée d'une autre qui projette au contraire le teufeur dans un espace de science-fiction extérieur par l'utilisation de sonorités robotiques, de samples de mangas japonais ultra-violents et d'écholalies électroniques en tous genres.

Or il semblerait que cette réciprocité spatiale entre l'intérieur et l'extérieur entre pour une bonne part dans les qualités psychédéliques du son techno underground. La vie quotidienne se fonde sur la stricte séparation opérée par la conscience entre l'intérieur et l'extérieur, permettant ainsi à l'individu de se mouvoir de manière autonome ainsi que de se percevoir comme une entité subjective distincte du reste du monde. Mais dès lors que la conscience est simultanément renvoyée sur un intérieur et un extérieur, les teufeurs se retrouvent alors plongés dans cet espace paradoxal, un espace sonore où « le centre est partout et la circonférence nulle part », un espace affranchit de l'homogénéité qui sous-tend tout espace, un « point de l'espace qui contient tous les points » tel l'Aleph de Borgès puisqu'il ne cesse d'osciller sur ses propres limites.

_JW8bt.png


Comme pour le temps, la free party opère une rupture dans l'espace, délimite un lieu intensif qui se distingue par des barrières acoustiques, visuelles, symboliques tracées dans l'espace homogène extensif. Les flux de lumières, de sons et de corps se concentrent en un point nodal qu'est la zone de face à face des danseurs et du mur d'enceintes. Dans cette zone, l'implacable mécanique itérative des flashs stroboscopiques calée sur la cadence du beat constitue une cage sensorielle où la masse des teufeurs ne peut rien voir, sentir et penser d'autre que ce que la machine veut qu'elle voit, sente et pense. Il s'agit avant tout de détruire par l'électricité toute forme de communication verbale, d'échange relationnel fondé sur la reconnaissance des individus comme entités subjectives autonomes et responsables pour parvenir à une sorte de connexion machinique immanente d'entités objectives, interactives et purement sensitives. Une socialité que nous pourrions qualifier de cybernétique est à l'oeuvre en free party au sens où dans celle-ci prédomine une communication interactive hommes/machine dont le dj n'est que l'interface, un simple opérateur de contrôle des flux dans le dispositif (si la masse des danseurs hurle « Allez ! », lève le poing, trépigne, il accélère le tempo, monte les basses, répond à son attente et si au contraire elle se fige, il va doucement l'accompagner en ralentissant le rythme et en sélectionnant des vinyles plus calmes).
Marshall Mac Luhan analysant les medias dans les années 60 distinguait deux grandes catégories, les « media chauds » et les « media froids » qu'il faisait correspondre respectivement à deux espaces, « l'espace visuel » et « l'espace acoustique » .

Les medias chauds tels que l'imprimerie, la presse, les chaînes de montages industrielles ou la photographie correspondant à la phase historique « moderniste » et « explosive » de l'Occident sont des médias qui favorisent une appréhension « linéaire, logique, séquentielle et contrôlée » de la réalité, substituant aux antiques modes de représentation tribaux et symboliques des modes de représentation où l'intellect et la raison dominent ; à ceux-ci Mac Luhan désigne comme organe de prédilection l'oeil car la perception visuelle implique une certaine distance face à l'objet, une position critique qui se meut volontairement sur tel ou tel aspect, permettant au sujet de « garder ainsi la pleine liberté de son examen indépendant » comme l'avait bien vu Hegel (13) dans la contemplation d'un tableau.

Inversement les medias froids comme le téléphone, la radio, la télévision -et sans nul doute internet que Mac Luhan aurait classé dans ces derniers- correspondant à notre phase contemporaine « postmoderne » et « implosive » sont des medias qui favorisent plutôt une appréhension « musicale, émotive, intuitive et synthétique », déployant ainsi un espace acoustique qui « retribalise » nos modes de représentation modernes en nous engageant dans une participation intense et synesthésique qui peut faire dire à Hegel qu' « elle (l'expression musicale) captive [...] la conscience, qui n'ayant plus aucun objet face à elle, est emportée elle aussi, dans la perte de cette liberté, par le flot continu des sons ».

On le voit ici les medias chauds intellectualisent ou dé-sensualisent la perception en désengageant le sujet alors que les medias froids sensualisent la communication en imposant une participation totale du sujet dans un espace acoustique « réverbérant » et « simultané ».
En free party, ces « medias froids » ou « machines de troisièmes espèces » que sont les ordinateurs, les séquencers, les amplificateurs, les enceintes, les stroboscopes et autres turbo-scans synthétisent un espace acoustique paradoxal où la ditinction intérieur/extérieur n'est plus de mise car dans ce type d'espace, chaque point est virtuellement connecté à chaque autre point sur un mode réticulaire qui n'admet aucune hiérarchisation comme dans « l'espace visuel ».

Or comme l'a bien vu Mac Luhan, la constitution d'un tel espace a des répercussions politiques sur les types d'organisation qui vont s'y décliner. Aussi écrit-il : « Contracté par l'électricité, notre globe n'est plus qu'un village. Et en précipitant ensemble en une implosion soudaine toutes les fonctions sociales et politiques, la vitesse de l'électricité a intensifié à l'extrême le sens humain de la responsabilité. C'est ce facteur « implosif » qui a transformé la situation des Noirs, des adolescents et de divers autres groupes. Il est devenu impossible de les contenir, au sens politique d'en limiter l'association. Ils participent désormais à nos vies et nous à la leur, grâce aux media électriques » .
On le voit la constitution de cet espace acoustique implosif dépasse de loin le cadre de nos free party qui n'en sont qu'une expression paroxystique puisqu'elles concentrent cette energie implosive en leur sein en imposant une participation totale aux teufeurs, participation que nos sociétés de contrôle ont, elles, bien du mal à contenir.
En ce sens, la free party en tant que dipositif esthétique génère un continuum spatio-temporel en rupture avec celui dans lequel nous évoluons quotidiennement, une durée et un espace acoustique liminal qui sont le substrat même de cette socialité cybernétique dont nous essayons d'exprimer la singularité.



Source : http://www.ceaq-sorbonne.org/node.php?i … mentid=690

lapin · Administrateur

10-12-11 02:08:33

11-07-11 · 13 645

  80 

Zones temporairement libres et autonomes: les Free Party



_MLhOw.jpg



Samedi soir, c'est décidé, au placard les escarpins, je vais en Free Party! Il ne me reste plus qu'à savoir où aller, quand, et comment. Emblème du milieu tekno underground, les free attirent souvent l'attention de la presse via les dérapages de certaines soirées, ou bien les évacuations musclées des forces de l'ordre. Mais au fond, savez-vous ce qu'est une free Party? Pas avant d'y être allés!



En fait, les Free party sont des rassemblements sauvages -entendez par-là illégaux- d'amateurs du milieu tekno underground. Le temps d'une soirée, le champ, le bois, la grotte, où le tawa se déroule deviennent une zone libre et autonome, appelée « Temporary Autonomous Zone ». Le temps d'une soirée, quelques centaines ou quelques milliers de personnes se libèrent de toutes les règles qu'on puisse leur imposer, et viennent ensemble poser du son ou bien l'écouter. Bref, se libérer via la musique. St tétik pose du son depuis six ans maintenant, ce qu'il aime dans ces fêtes c'est « l'ambiance hors du temps, On croise des connaissances, on partage de tout, on troque: même le plus démunis peut participer a une free et se mettre bien ».

Ne va pas en Free qui veut, il faut d'abord trouver la soirée par contacts d'amis d'amis, par évènements facebook ces dernières années, ou par affiches. Une fois la soirée dénichée, ne croyez pas qu'on vous donne rendez-vous avec adresse, itinéraire, et un bonbon en chocolat. Le lieu n'est communiqué qu'au dernier moment par infoline: des répondeurs interrogeables à distance via un code, il faudra donc improviser le soir-même. La répression de ces dernières années a poussé les soundsystem à se cacher de plus en plus, jusqu'à transformer l'itinéraire en vraie chasse au trésor.

A 18h, l'info tombe: nous en aurons pour deux heures de voiture, et rien ne nous assure que les forces de l'ordre n'auront pas fait évacuer le lieu avant que nous arrivions. En effet, les organisateurs de Free et la police jouent souvent au chat et à la souris, d'où l'infoline.

Veste et pantalon militaire, Casquette ,sac à dos, je me suis préparée l'attirail du parfait teufeur, afin de passer inaperçue. Et je m'aperçois que je n'en avais peut-être pas besoin. Bien sûr, je pourrais dénombrer quelques centaines de milliers de percings et de tatouages en tout genre, mais ne limitons pas nos visions à nos préjugés. Des vieux, des jeunes, des grands et des petits, en slim ou en sarouel, le public de free party fait preuve d'un éclectisme inattendu. Ganoush, qui lui aussi pose du son, m'assure d'ailleurs que je devrais essayer de « bouger en free toute seule. Tu te feras des amis que tu n'aurais pas rencontré autrement, parce qu'ils n'ont pas la même condition sociale, ou le même travail que toi ».



_M6F41.jpg




A l'entrée, un PAF nous ai demandé: une participation d'un montant libre visant à participer aux frais de son. Dès notre arrivé, Janis* qui m'accompagne me dit « viens, on va dans le son ». « Aller dans le son », cela signifie se rendre au plus près du matériel: D'énormes baffles sont entassées les unes sur les autres afin de créer un « mur de son ». Une fois que nous y sommes, je comprends tout de l'expression. Être « dans le son », c'est le ressentir. Trance goa, Hardcord, drum'n'bass, hardtek, ou encore Dub Step, sont autant de styles de musicaux que l'on peut retrouver en Free. Chandler*, un teufeur rencontré sur place, m'explique d'ailleurs que ce sont des musiques « que l'on vit plus que l'on écoute ».

Chandler vient en teuf depuis un peu plus d'un an et demi, ce qu'il aime c'est « retrouver une certaine liberté de fête que l'état interdit dans les soirées légales ». Mais attention, il tient à rétablir la vérité sur la population présente: « Contrairement à ce que pense l'opinion publique, les free ou teufs ne sont pas des réunions de tox , ravageant champs et forêts! Les free regroupent tous les amoureux de cette musique, ce qui comprend des classes sociales, tranches d'age, professions ou origines très différentes ». Cet amoureux de la musique sait ce qu'il encourt en venant à ces rassemblements mais il préfère braver l'interdit car selon lui, «  c'est inadmissible d’interdire aux Hommes de pouvoir faire la fête ».

Les 50 kW de puissance du mur de son sont impressionnants. Chandler m'assure qu'au teknival du 1er mai 2009, le mur faisait plus de 100Kw. A vrai dire, c'est si fort que les basses remontent depuis le sol dans mes pieds, puis mon ventre. Cette sensation de vivre la musique me séduit réellement En regardant autour de moi, je me rends compte que tous sont dans le même état que moi, la musique s'infiltre jusque dans nos plus petites cellules afin de créer des sensations que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Ici, tout est permis, je peux être assise, debout, ou allongée, danser dans mon coin ou partir dans des délires lointains, ici, personne ne me jugera. C'est le principe de la free: chacun est libre de faire ce qu'il le veut, le seul devoir étant de respecter la liberté d'autrui. Cependant, il est difficile de se laisser aller sans troubler la tranquillité de quiconque. Bien souvent, le propriétaire du champ utilisé voit sa propre liberté bafouée et vit la soirée qui s'installe alors chez lui comme une réelle intrusion.



_moYEf.jpg


« Écouter les couleurs et voir la musique »




Les gens qui posent le son, sont souvent des teufeurs de longue date passés de l'autre côté du mur. St tétik m'explique que «c 'est à force de bouger en teuf qu'on devient un peu ''accro'' à cette sensation de liberté et d'expériences puissantes », mais à Ganoush de préciser que « un dj qui veut devenir écoutable doit passer par beaucoup de travail. C'est vrai aussi que les possibilités modernes (home studio) permettent à tous de se lancer et [il] rêve d'un futur où tous seront musiciens , remixant des remixs de remix, dans l'underground le plus total ». Ganoush m'a fait comprendre que poser du son, aller en Free, ce n'était pas qu'une activité de fin de semaine. Cela répond aussi à un certain état d'esprit, une relation au système, voire une philosophie. Selon lui, Les teufeurs ne font pas que passer le temps d'une soirée dans un champ, « ils investissent le paysage, ils sont créatifs, ils en sont carrément acteurs ».


Pas de règle, pas d'interdiction, ni même pour les drogues. Aller en teuf, c'est s'isoler le temps, d'une soirée, du monde dans lequel on vit. Prendre du LSD, de la MDMA , ou toute autre drogue, c'est s'isoler le temps d'un voyage du monde dans lequel on est. Ainsi, c'est pousser la sensation de ressenti de la musique jusqu'au limites du possible. Selon la légende, le LSD permet de « voir la musique et entendre les couleurs ». Pour St tétik « la musique éléctro est sensationnelle parce qu'elle procure par les sons des sensations cérébrales comparables à l'action de certaines drogues c'est d'ailleurs pour cela que le milieu festif est particulièrement touché par la consommation de stupéfiants : pour amplifier ces sensations extrêmes procurées par les sons » Joey* me raconte son expérience sous kétamine. Ses souvenirs sont d'avoir « entendu sa jambe devenir verte » et vu « tournoyer la musique autour de [lui] »; « C'est assez difficile d'expliquer ce que j'ai ressenti. Les expériences sous drogues ont la caractéristique commune qu'il est impossible de poser des mots précis sur les sentiments produits ». Cependant Chandler m'assure que « la prise de drogues dures reste occasionnelle, le fait de consommer ce genre de produit en free ne représente qu'un plus, et non une nécessité ». Heureusement, rappelons tout de même les drames causés par le mélange d'alcool et de drogues, telle que cette jeune femme décédée lors d'une free à Loyat au printemps dernier. Seb se souvient de Free et de rave ou il s'est rendu. Il n'a jamais pris de drogues dures et cela ne l'a jamais empêché de passer de bonnes soirées. En tant qu'amoureux de la tekno, les teufeurs sont aussi capables d'apprécier la musique pour ce qu'elle est, sans additifs.



_W10k.jpg




Il est étonnant de voir autant de personnes rassemblées et se dire que la police ne puisse trouver la soirée. Selon les teufeurs, ils sont présents environ une fois sur trois. « la plupart du temps, ils nous demande d'éteindre la musique et de partir du terrain "gentiment", mais malheureusement ce n'est pas toujours le cas » explique Chandler. Ganoush se souvient lors d'une évacuation, avoir vu les forces de l'ordre frapper à coup de matraques un membre d'une association de prévention contre les drogues (associations très présentes en free). D'où la méfiance des teufeurs envers les forces de l'ordre. St tétik se souvient du « tekos illégal de 2009 qui, pour le coup, avait pris les force de l'ordre de cours en faisant croire que l'évènement se passait ailleurs »



Les Free Party sont régis par la loi n°2001-1062 relative à la sécurité quotidienne qui oblige les organisateurs de Free à déclarer l'évènement auprès du préfet du département concerné. Cette loi est consolidée via le décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 qui énumère les caractéristiques de l'évènement (fréquentation supérieure à 250 personnes, diffusion de musique amplifiée, annonce du rassemblement par voie de presse, tract, ou moyen de télécommunication) et instaure la notion « d'engagement de bonnes pratiques » (garantir la sécurité et la santé des participants, mettre en place des actions de préventions à propos de la nuisance du son, des drogues, de l'alcool...). Les sound system (organisateurs de Free) connaissent bien la loi et savent ce qu'ils encourent. Certains se sont crées des « guides législatifs » afin de pouvoir argumenter en connaissance de cause lorsque les forces de l'ordre découvrent la free. Pour Ganoush, « Être un teufeur c'est fondamentalement être révolutionnaire, donc en guerre avec la police », Pour sur, Ganoush est un révolutionnaire, un vrai. En colère contre notre gouvernement et sa répression massive envers ce qui se veut être «  une sorte d'échappatoire de la vie courante où la solidarité et le troque se font naturellement ».

Lorsque je commence à ressentir un peu de fatigue, le jour s'est levé depuis longtemps. Nous allons nous reposer au Chill Out, l'aire de repos. Ici, les gens sont plus calmes, allongés, assis, ou en plein voyage, certains dorment, d'autres discutent. Ma dernière pensée avant de fermer les yeux fut pour le réveil du lundi qui serait sûrement très difficile.



Source : radioneo

Nevrakse · Moderateur

10-12-11 21:31:02

16-10-11 · 4 269

  28 

Merci bien smile

lapin · Administrateur

16-12-11 01:02:16

11-07-11 · 13 645

  80 

Politiques de jeunesse et musiques électroniques.


Entre rave-party et Teknival,


quelle évolution des grands rassemblements ?


par Eric BERGEAULT ancien Médiateur de l'Etat pour les Rave Party




_zc3hf.jpg




« Rave party », « Free party », « teknival », « festival de musique électronique » ou  « évènement  festif  à  caractère  musical » :  autant  de  mots  qui  ont  ponctué  la  vie culturelle et administrative du département du Cher entre 1997 et 2008.

Depuis  onze  ans,  des  jeunes  se  rassemblent  pour  écouter  de  la  musique  techno, danser et surtout partager des moments et des espaces de fête différents de ce qu’ils peuvent vivre en boîte de nuit, en club ou en festival…

Selon  les  types  de  fêtes  (qui  seront  décrits  dans  la  partie  I  de  cette  étude),  ces rassemblements festifs, autour de la musique électronique, réunissent 

•  de 100 à 200 personnes pour une nuit dans un bois

,

•  de 2 000 à 10 000 jeunes pour un festival régional


•  ou  bien  alors  plusieurs  dizaines  de  milliers  de  personnes  pour  un  teknival national  avec  par  exemple,  82 000  jeunes  en  2006,  dans  une  petite  commune nommée  Chavannes,  située  en  milieu  rural  et  dénombrant  habituellement  165 habitants.


_w9Orq.jpg



Dans le cadre d’un cycle de consultant en politique de jeunesse mis en place par l’Institut  National  de  la  Jeunesse  et  de  l’Education  Populaire  (INJEP),  cette  étude, commandée par la direction départementale de la jeunesse et des sports, propose donc d’analyser  la  prise  en  compte,  par  les  pouvoirs  publics,  des  rassemblements  de musique électronique entre 1997 et 2008 dans le département du Cher.

A  partir  d’une  analyse  de  pratique  professionnelle,  l’objet  est  à  la  fois  de présenter  une  typologie  des  fêtes  organisées  par  des  jeunes  passionnés  de  musique techno  mais  aussi  d’étudier  la  nécessaire  adaptation  des  services  de  l’État  à  la spécificité  même  des  ces  différentes  manifestations :  petite  free  party  en  forêt,  rave-party régionale, festival déclaré ou teknival national.

Quelles  sont  alors  aujourd’hui  les  politiques  publiques  de  jeunesse  liées  à l’accompagnement,  l’encadrement  de  ces  rassemblements  de  jeunes  écoutant  de  la musique électronique ?

De  la  simple  détermination  du  terrain  d’accueil  d’une  rave-party  pour  300 personnes jusqu’à la mise en place d’un teknival accueillant 82 000 jeunes, de quelles façons l’ensemble des interlocuteurs de la jeunesse est-il questionné sur des questions aussi  diverses  que  le  maintien  de  l’ordre,  la  sécurité  publique,  l’accès  aux  soins  mais aussi  l’accompagnement  d’un  mouvement  musical  voire  le  soutien  à  l’initiative  de jeunes ?

_LRcE.jpg


Pour  cette  étude,  la  mise  en  perspective  de  la  commande  initiale  permet d’éclairer d’autres enjeux institutionnels avec les choix opérés notamment par un préfet, 8 des  directeurs  de  services  déconcentrés,  des  élus  quant  au  déroulement  d’un
rassemblement de jeunes.

De quelle façon, le rapport à l’univers techno est-il envisagé par les services de l’État, les collectivités locales et aussi ces associations culturelles ?

A la croisée des politiques nationales et des gestions locales de rassemblements festifs  multiples,  quels  sont  les  choix  méthodologiques  effectués,  les  enseignements que l’on peut retenir ou répertorier sur un département tel que le Cher ?

In fine, existe-t-il un continuum complexe entre un objet (festif), un territoire (une zone  de fête  temporaire),  un  public  (jeune)  et  des  acteurs,  aussi  divers  que  l’État,  les mairies,  la  presse  locale,  sans  oublier  les  habitants  des  communes  concernées,  les agriculteurs, les propriétaires des champs utilisés ?

La simplification de cet agrégat institutionnel, social et culturel ne permettrait-elle pas  de  créer  un  cadre  plus  apaisé  pour  le  déroulement  de  ces  évènements  festifs électro ? 

Pour  les  acteurs  locaux  de  la  vie  publique  et  les  jeunes  issus  du  mouvement techno, un travail sur les représentations de chacun ne serait-il pas aussi l’occasion de bâtir en amont une gestion plus concertée des rassemblements ?



Plan de l'ouvrage :



I -  De l’émergence à la reconnaissance de la musique électro …


II -   Un ancrage progressif de la fête…jusqu’au teknival


III -   La reprise d’une dynamique locale d’accompagnement de jeunes organisateurs


IV -  Enjeux institutionnels et représentations du mouvement techno


V -   Perspectives et propositions



Texte en version intégrale à télécharger en PDF ici

kaou · VIP

16-12-11 01:58:55

14-07-11 · 1 297

  14 

Je n'ai pas tout lu mais le contenu est intéressant.

Merci lapin pour tout ces articles, je donnerai mon avis + tard sur le contenu (toujours aussi flemmard pour écrire)

lapin · Administrateur

16-12-11 22:11:43

11-07-11 · 13 645

  80 

De rien wink


_RqA50.png



Texte en version intégrale à télécharger en PDF ici

lapin · Administrateur

30-12-11 01:17:40

11-07-11 · 13 645

  80 

Le Sound System, un laboratoire de métiers.


Ismaël Ghodbane, Université de Neuchâtel



_uELV.jpg




La culture techno intéresse les sciences humaines et sociales. L’ethnographie tente de comprendre le phénomène (Racine, 2002, Laville, 2004), ou analyse les représentations impliquant cette culture et la drogue (Beauchet,  2003).  La socialité au sein de  la  rave  (Mabilon-Bonfils & Pouilly, 2002), les liens
avec la politique (Pourtau, 2005) ou la notion  de construction identitaire (Hundeide,  2004)  sont interrogés par la  sociologie, qui s’intéresse également aux pratiques de  création (Hampartzoumian, 2001, Petiau, 2001). Les réseaux de distribution et de diffusion des musiques électroniques ont aussi
fait l’objet d’une recherche (Debruyne, 2001).

Cependant un aspect essentiel de  cet  objet de  recherche  semble ne pas avoir été  étudiée pour le moment. Ancrées dans notre époque, importantes pour une jeunesse y jouant un rôle actif en termes de création  et/ou d’organisation, les  activités autour de la musique techno représentent  un terrain fertile pour la psychologie  sociale  de l’apprentissage. L’objectif de notre  recherche  est d’explorer  si des jeunes adultes sont  susceptibles d’apprendre des  savoirs et savoir-faire  à travers leurs activités culturelles liées à l’univers des musiques électroniques, et si oui, quels jeunes, à quelles conditions, comment et pourquoi. Ces activités, bien que n’ayant pas  à proprement parler un but  éducatif, seraient alors des sources d’apprentissages pour ces jeunes.

Le groupe observé est ce que nous pourrions appeler un « collectif informel temporaire » :
Il s’agit simplement de la fusion de deux collectifs français (LaHp et Kanibal) pour l’occasion, afin de partager le matériel nécessaires.



Texte en version intégrale à télécharger en PDF ici