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lapin · Administrateur

31-05-12 15:03:39

11-07-11 · 13 874

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Yabon : L’emmerdeur public N° 1


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Cauchemar des promoteurs immobiliers, il squatte les immeubles inoccupés pour y installer des ateliers d’artistes et organiser des free-parties. Ne laissez pas votre porte entrouverte, Yabon en profiterait pour s’installer chez vous et refaire la tapisserie.




L’homme ne paie pas de mine. Il n’arbore pas les marques streetwear qui dénotent le lascar endurci par la jungle de l’asphalte. Pas plus qu’il ne porte le treillis militaire du traveller techno rodé à un mode de vie alternatif. Mais ce trentenaire à l’allure passe-partout n’en est pas moins l’agitateur urbain le plus subversif qu’ait connu Paris depuis longtemps. Son nom de code : Yabon. Son activité : monter des squats d’artistes ouverts au public. Sa trade marque : investir systématiquement les beaux quartiers. Free-parties en plein Marais, happenings trash sur la place de la Bourse, galeries alternatives avenue de Matignon : sous le label Yabon’art, il transforme depuis cinq ans Paris en grand squat.
Ce héraut de l’underground, issu de la middle-class, confesse sur un ton laconique : « Ouvrir un squat, il n’y a rien de plus simple. D’abord, il faut repérer un lieu inoccupé dans la ville – et des immeubles vides, dans Paris, ce n’est pas ça qui manque… Ensuite, s’introduire dans le lieu et l’occuper pendant quarante huit heures sans se faire repérer par la police. Après deux jours d’occupation, pour vous déloger, le propriétaire est obligé d’entamer une procédure judiciaire qui peut prendre plusieurs mois, voire des années. » Pour lui, l’enjeu n’est pas tant d’ouvrir un squat que de le faire exister. « Mon but est de créer l’alchimie pour que le squat génère une émulation artistique qu’on ne trouve nulle part ailleurs. »




> L’expérience pôle Pie


Au départ de l’aventure de Yabon’art, un constat sociologique tout bête : à Paris, alors que la génération « précaire et branchée » s’improvise massivement artistes RMIstes, aucun espace n’est prévu pour abriter des ateliers. L’affaire n’est pas nouvelle. L’origine des squats d’artistes remonte à la fin des années 70, quand Jacques Chirac accède à la mairie de Paris. Les quartiers populaires sont alors livrés à la surenchère immobilière, faisant passer à la trappe les nombreux ateliers qu’ils cachent. Un groupe de plasticiens allumés répondant au nom d’Art-Cloche inaugure un principe jusqu’alors inédit à Paris : recycler les friches industrielles en ateliers d’artistes.

C’est dans cet état d’esprit que Yabon ouvre son premier squat. Débarquant de Berlin où il a passé plusieurs années, cet artiste, auteur d’installation destroy, est tout simplement à la recherche d’un atelier où travailler. En septembre 1996, aidé d’une dizaine d’acolytes, il investit un ancien lycée technique du boulevard de Belleville, monstrueux espace de quinze mille mètres carrés qu’il baptise « pôle Pi ». Aujourd’hui encore, il est étonné par sa propre audace : « Un tel espace, dans un quartier aussi chaud, c’était de la pure folie… Pourquoi m’être lancé dans une telle aventure ? La réponse est venue rapidement : en quelques jours, tous les ateliers ont été occupés, rassemblant une communauté hétéroclite, parmi laquelle se trouvaient nombre d’artistes n’ayant jamais squatté. »
Une constance dans le parcours de Yabon. Rien n’est prémédité. L’homme semble être le bras de forces qui le dépassent. Ainsi, au pôle Pi, le pire va côtoyer le meilleur. Commencée dans l’euphorie d’un épisode de l’Ile aux enfants, l’histoire s’achève comme le plus sordide des films de série B (voir Technikart n° 23). N’empêche, l’occupation du lycée Diderot à l’initiative de Yabon a été la matrice d’un renouveau de l’underground parisien : un paquet de connexions durables s’y sont établies.


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> Première free-party dans Paris


Lorsque le pôle Pie ferme en mars 1998, Yabon a compris la leçon : plus question d’ouvrir de squats dans des quartiers populaires. Trop difficile à gérer. A peine un mois plus tard, il s’empare d’un somptueux hôtel particulier du XVIIIe siècle, situé rue de Thorigny (IIIème arrondissement), juste en face du musée Picasso. Yabon se souvient : « Sokapi est le réel point de départ de Yabon’art. C’est ici que nous avons commencé à développer le concept d’un squat entièrement ouvert au public. Ça s’est fait tout seul. Les visiteurs sortaient du musée Picasso et s’engouffraient aussitôt dans Sokapi. Par ailleurs, cet hôtel en travaux était dénué de portes. Les gens passaient dans les ateliers des artistes, les regardaient travailler et parfois intervenaient. Malgré lui, le public s’est mis à jouer un rôle tout aussi important que les artistes. Le squat devenait d’une certaine façon interactif. Il trouvait sa place dans la ville. » Paradoxe : ce qui était au départ vécu comme un pis-aller finit par devenir un but en soi. Avec Yabon’art, ce qui compte, c’est moins le travail personnel des artistes que celui généré par la communauté. Bref, l’œuvre, c’est désormais le squat, un lieu artistique alternatif livrant la constante représentation de son making-of.

« Quand je marche dans Paris, j’entends des immeubles qui m’appellent : “Viens Yabon, viens avec tes amis !” »



A la rentrée 1998, Sokapi ferme. Yabon rouvre aussitôt non loin de là, à l’angle de la rue Charlot et de la rue Pastourel. C’est dans ce vaste espace de plusieurs milliers de mètres carrés baptisé Marais Public que va s’initier la seconde caractéristique des squats Yabon’art : l’alliance avec la techno des free-parties. En mars 1999, à l’initiative de Neo-Pop Art et de Mas i Mas, a lieu la première véritable free-party jamais organisée dans Paris. Au beau milieu du tranquille quartier du Marais, dans la plus totale illégalité, trois mille extasiés au crâne rasé et à la parka militaire dansent jusqu’au petit matin sur des beats hardcore. Une nuit anthologique que Yabon réitérera dans les squats qui suivront : « Je n’aime pas particulièrement cette musique. Mais il n’y a pas à dire : niveau réseaux, la techno est très forte. Je le déplore, mais ce ne sont pas les vernissages des artistes qui pourraient mobiliser autant de peuple… »




> « Le meilleur moyen de squatter les médias »


La force de Yabon’art ? Chaque fois qu’un squat ferme, cinq nouveaux ouvrent dans les semaines qui suivent. Ainsi, après la fermeture de Marais Public, on a vu les squats proliférer un peu partout dans Paris. Un immeuble haussmanien place de la Bourse, une maison gothique près de la place d’Italie, un hôtel bourgeois à Notre-Dame-de-Lorette, une bâtisse rue de Châteaudun… Yabon revendique cette stratégie exponentielle : « J’encourage vivement les jeunes qui squattent pour la première fois avec moi à ouvrir à leur tour un squat quand on vient à fermer. Car le squat est le média des pauvres : c’est le dernier moyen qu’il reste aux artistes populaires pour se faire entendre. Ce que nous faisons, ce n’est rien d’autre que des manifestations. Le squat de la Bourse de l’été dernier, situé juste en face des locaux de l’AFP, est à ce titre notre plus grande réussite médiatique : il a été relayé dans toute la presse. »

Selon Yabon, un squat médiatisé est, pour les artistes, le meilleur moyen de squatter les médias. Et d’échapper à la répression policière : « Pour l’instant, on n’a eu aucune poursuite judiciaire. J’ai même récemment gagné un procès contre la mairie du IIIème arrondissement pour propos diffamatoires. Et le propriétaire de notre dernier squat, rue de la Boétie (VIIIème arrondissement, NDLR), une grosse compagnie italienne, nous a carrément offert 100 000 FF pour quitter les lieux. Pour eux, c’est que dalle et, nous, on va ouvrir ailleurs. Le risque, cependant, c’est de se faire prendre en flagrant délit au moment où on ouvre le squat. Ça pourrait nous coûter très cher. »
Peu à peu, le travail d’agitation de Yabon semble porter ses fruits : Yabon’art est en pourparlers avec le ministère de la Culture pour obtenir légalement une friche industrielle dans Paris. « Rien n’est encore décidé, mais j’aimerais bien souffler un peu : avoir un endroit où me poser, où pouvoir entreposer tout mon matériel. Parce que, de squat en squat, j’ai tout perdu… » Finis les squats pour Yabon ? Pas vraiment : ce mystique a conscience de la mission dont il est investi. Il sait que, par-delà sa propre histoire, il a un rôle à jouer dans cette petite révolution que constitue l’occupation d’un palais de ministre par une bande d’artistes déjantés. « Maintenant, quand je marche dans Paris, j’entends des immeubles qui m’appellent : “Viens Yabon, viens avec tes amis !” Le dernier qui m’ait interpellé ? C’était hier, rue du Faubourg-Saint-Honoré… »


par Valérie Zerguine, le Mercredi 01 Mars 2000

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Retrouvez une interview de Yabon ainsi qu'une vidéo sur les traces de ses skwatt parisiens dans le topic : Boom Boom Line - Présenté par Willyman - Fuck Tekno Parade 2000 + Itw 




Source : Teknikart

Abalam · Bass Addict

31-05-12 19:04:48

29-04-12 · 359

  

Merci pour cet article ....Bon complément de la tite vidéo que tu as mit sur le boom boom line ,Lapin wink

Hé beh , franchement j admire cet emmerdeur public , qui fait beaucoup pour l'art et sa créativité comme de la faire connaitre. Et ses méthodes d'installer des squats comme il fait,m'a rappeler le squat qu'il y a à Berlin "Le Tacheles" qui est malheureusement en menace de démolition ... Je dis malheureusement car il est connu mondialement et c'est une bombe culturelle Berlinoise !!!


Débarquant de Berlin où il a passé plusieurs années


je comprend mieux smile


« Mon but est de créer l’alchimie pour que le squat génère une émulation artistique qu’on ne trouve nulle part ailleurs. »



j'aime ... La culture devrait être primordiale et accessible à tous.Et dans ce fait je suis loin de ne pas être en accord avec ce qu'il fait: de squatter des immeubles inoccupés ou recyclés des friches industrielles(il y en a tellement). Et dans ces cas les visiteurs sont tous aussi comblés que les artistes .


« Maintenant, quand je marche dans Paris, j’entends des immeubles qui m’appellent : “Viens Yabon, viens avec tes amis !”



j'ai envie de dire Yabon , y'a du bon !!

jazz · Sound System

31-05-12 19:53:23

25-04-12 · 933

  

franchement ca pete!  bon gars le yabon!!! bravo-encouragements-994

lapin · Administrateur

01-06-12 23:02:32

11-07-11 · 13 874

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Content que cela vous ai plût

Effectivement un bon activiste qui a aussi su tiré son épingle du jeux en fesant usage de la mediatisation.

Nerid · Bass Explorer

02-06-12 00:01:58

18-03-12 · 65

  

Abalam
j'aime ... La culture devrait être primordiale et accessible à tous.Et dans ce fait je suis loin de ne pas être en accord avec ce qu'il fait: de squatter des immeubles inoccupés ou recyclés des friches industrielles(il y en a tellement). Et dans ces cas les visiteurs sont tous aussi comblés que les artistes .



Alors la on est complètement d'accord, le jour ou les gens comprendrons qu'on a tellement besoin de la culture qu'il faut tout faire pour la développer et partager c'est choses la, ben peut-être que le monde des artistes pourra enfin respirer. Mais ce n'est pas près d'être le cas.

Vraiment bravo à ce type qui fait vivre ce qui risque de mourir.

Et super article soit dit en passant.