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mans · Bass Traveller

13-08-19 14:40:25

26-05-16 · 134

  

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«Libération» a suivi les jeunes organisateurs d’une free party. Les lieux choisis pour ces soirées techno clandestines sont communiqués au dernier moment, pour mieux jouer au chat et à la souris avec les autorités.
  Le système qui cache le sound
Plus d’un an que cette soirée est dans les tuyaux. L’été dernier, elle avait servi à récolter de l’argent pour offrir des vacances au petit frère de Mathéo, leur pote fan de techno décédé à 17 ans après une surdose de Valium. Cette année, les euros rassemblés aideront à payer une stèle funéraire à placer au pied de l’arbre où ses cendres ont été dispersées. A quelques heures du début de la fête, les membres du collectif nantais Eclek’tek se sont réunis dans le jardin de parents partis en vacances et règlent les ultimes préparatifs avant de se rendre sur le site repéré quelques jours auparavant, au nord de Nantes : un immense champ, au milieu de nulle part. L’endroit parfait pour leur free party, une fête clandestine ouverte à tous. Câbles et prises multiples dégueulent de la fenêtre du salon et entourent Lapsus, 20 ans, qui pianote frénétiquement sur sa machine. Avec son chapeau orange, DT, la vingtaine, tète son joint, café à la main : «A cette heure-ci l’année dernière, c’était la galère. Mais aujourd’hui tout roule.» Ensemble, ils peaufinent leur setlist étalée sur toute la nuit. En apparence, leur mécanique est bien huilée. En vérité, les six collectifs de Loire-Atlantique qui se sont associés pour l’occasion ont trouvé leur spot au dernier moment.

18 heures : «Les flics tournent autour du site»
Hors de question de diffuser l’info du lieu où se tiendra la free party avant d’être sur place. Leurs potes partis en reconnaissance confirment que la police tourne dans les environs du champ convoité. Ras’Kass, 17 ans et DJ depuis trois ans, enrage : «Quelqu’un vient de me demander de lui envoyer le lieu de la soirée sur Snapchat… Les gens ne prennent aucune précaution, ils sont débiles ou quoi ?» Emmitouflée dans son sweat, elle déplore certains comportements. «On investit du temps et de l’argent. Ça ne tient presque à rien. Alors quand le lieu fuite quelques jours avant la fête, il y a de quoi être vénère.» DT acquiesce : «Il faut que les gars évitent de passer par les grandes villes et fassent un gros convoi. On balancera l’info plus tard.» La bande d’amis attend un millier de personnes.

Il n’est pas rare que le lieu de rendez-vous fuite sur les réseaux sociaux. Alors les organisateurs utilisent des messageries cryptées pour que le plan reste secret jusqu’au dernier moment. «On a publié il y a un mois le flyer annonçant la soirée sur Facebook avec la date, le département et les collectifs concernés. Mais sans préciser le lieu. Les flics ont dû le voir et tournent autour des différents sites connus», explique Côme, 18 ans.

La vue depuis le restaurant, dans la ferme de Jouany Chatoux.

Le sound system est installé avant l’arrivée des premiers teufeurs. Photo Julie Hascoët. Myop pour Libération

Dans le collectif, les avis divergent sur ces fêtes illégales, car organisées sans l’accord des autorités. Avant de partir, les organisateurs se rappellent les risques encourus : l’amendement Mariani à la loi sur la sécurité quotidienne votée en 2001 soumet les free partys à une déclaration préalable au préfet. Faute d’autorisation, les organisateurs risquent la saisie du matériel et une amende.

20 heures : trois scènes sont installées
Après une vingtaine de minutes de route en voiture, on arrive sur le terrain où aura lieu la fête. Situé derrière une imposante carrière et à l’abri d’un rideau d’arbres, un large champ de paille se dessine. Une Clio bleue fatiguée parcourt le domaine à toute berzingue. Elle tire une remorque bringuebalante dans laquelle quatre caissons de basse jouent des coudes. On décharge flightcases, câbles et éléments de scénographie en tout genre. Un bout de saucisson, une bière et tout le monde s’affaire. Une course contre la montre s’engage : plus vite les trois scènes seront montées, moins la police aura la possibilité de faire dégager la place. L’agriculteur n’est pas au courant que sa parcelle va être prise d’assaut par des centaines de personnes. «On retourne sa terre, peut-être même qu’il sera content, défend Ras’Kass. A la dernière teuf, les voisins étaient carrément venus. Deux mecs de 40 ans, en chemise et en jean. Ils étaient heureux qu’il se passe quelque chose dans le coin.»

En moins d’une heure, les trois scènes sont installées. «Il y a deux mois, le générateur a sauté. Je commençais tout juste à mixer, j’ai balancé une basse et boum. Plus rien. Fin de la soirée», explique la DJ. Côme se souvient d’une aventure «plus que limite». Il fait des grands gestes et mime avec ses mains : «Au nouvel an dernier, on a fait une fête dans un champ. L’agriculteur a débarqué et nous a poursuivis avec son tracteur ! Après nous avoir bien engueulés, il nous a laissé une heure pour remballer avant d’appeler la police. Et finalement au moment de partir, il avait bloqué la route avec une grosse pierre, histoire d’être sûr qu’on se fasse attraper.»

22 heures : «Et pour Steve, on fait quoi ?»
L’information sur le lieu de la fête est enfin envoyée sur les messageries. C’est dans un pré à proximité de La Grigonnais, un village de Loire-Atlantique. En moins d’une heure, des centaines de véhicules convergent vers la parcelle. Alertée par les décibels, une fourgonnette de gendarmerie se gare. «Perso, vous ne me dérangez pas, déclare le gendarme. Ça fait vingt ans que c’est la même histoire. Vous n’étiez même pas nés [les premières free partys remontent à la fin des années 80, ndlr]. Mais il y a toujours une maison ou deux qui vont se plaindre.» Avant de repartir, la patrouille prévient : «Demain matin, vous aurez un autre contact avec la gendarmerie. S’ils vous demandent d’éteindre la musique, je vous conseille de le faire.»

Théa, membre du sound-system Eklek'tek.

Théa, membre du collectif Eclek’tek. Photo Julie Hascoët. Myop pour Libération

Sous une tente au bout du champ, l’association Techno+ fait de la prévention autour des drogues et répond aux questions des fêtards. Elle distribue brochures, préservatifs, bouchons d’oreilles, seringues… Ras’Kass y est bénévole depuis un an. Elle souhaite y faire son service civique et devenir éducatrice spécialisée. Autour de la table, les organisateurs font le point sur la soirée. On évoque le sort de Steve, passionné de techno, mort le soir de la Fête de la musique à Nantes. «On fait quoi alors ? Une minute de silence ?» demande l’un. Lapsus, casquette à la Fidel Castro sur la tête : «Non, ce n’est pas ce qu’il aurait voulu. Plutôt une minute de bordel en mettant du gros son !»

Les trois murs d’enceintes alignés balancent de la techno indus, de l’acid hardtek ou encore du gabber énervé. La foule massée bouge au rythme des sons comme un corps unique, le dos tourné au DJ qui se tient seul à quinze mètres de la «piste de danse» derrière ses platines et face à un mur d’enceintes. Il tapote en rythme sur son contrôleur Korg Electribe, un séquenceur à produire du son. «La machine du pauvre. Pas chère, résistante et facile à prendre en main», commente Pablo, un teufeur de 25 ans, lui-même musicien. Alors que les plus téméraires collent leur tête aux baffles et draguent les acouphènes, Eddy, routier quadragénaire aux cheveux bouclés, bouge sa tignasse en rythme et zieute sur le rack du DJ. Il est venu là par hasard. «J’étais sur la route et j’ai vu deux jeunes faire du stop. Je les ai pris et me voilà ici.»

3 heures : amour, alcool et psychotropes
Plusieurs centaines d’autos sont rangées en bataille à l’entrée du champ. Un des organisateurs fait du calcul mental pour savoir combien de personnes sont présentes sur le site au vu du nombre de véhicules. «Ça oscille entre 700 et 1 000 teufeurs.» On se croirait dans un ciné-parc américain, mais le film se déroule dans les habitacles des voitures. On y consomme de l’amour mais surtout de l’alcool et des psychotropes. Kétamine, ecstasy ou cocaïne sont demandées à la criée. On les absorbe assis au milieu du dancefloor. Un grand gars, glacière à la main, fend la foule et se poste devant un jeune teufeur qu’il dévisage l’air hagard. «Tu vends des glaces ?» lui demande le jeune. «Non, je cherche des buvards de LSD», dit-il, avant de reprendre sa quête.

Théo, 20 ans, serveur dans la restauration, petite barbiche au menton, critique l’évolution du mouvement, notamment les collectifs qui désirent aller vers la fête légale : «Si on a un endroit approprié, la fête va se banaliser comme dans les boîtes de nuit. Avant, la free party était underground. Mais maintenant on commence à nous servir de la soupe commerciale.» Il dit que la free est pour certains une échappatoire. «J’ai un ami qui sort pour éviter de voir son père battre sa mère. Ceux qui prennent des drogues en teuf traînent souvent une souffrance.»

Une free-party est organisée par différents collectifs : baptisée "Tribute 2", cette soirée est donnée à la mémoire d&squot;un ami disparu un an plus tôt.

Au petit matin, quelques irréductibles continuent de danser. Photo Julie Hascoët. Myop pour Libération

10 heures : «L’épouvantail de la teuf»
Au bout d’une nuit de musique non-stop, le jour se lève. Le champ s’est vidé petit à petit, mais près de 200 courageux continuent à danser. Les autres ont regagné leur tente ou se sont endormis dans la paille. Aux alentours de 10 heures, quatre gendarmes se présentent. La fête est finie. Il faut couper le son. Côme, «dégoûté», n’a pas eu le temps de jouer sa musique. «La menace de saisie du matériel, c’est l’épouvantail de la teuf. C’est encore plus efficace qu’une amende ou une peine de sursis.» Un attroupement se crée autour des forces de l’ordre. Un gradé prévient : «Si on arrive avant vous et qu’on peut vous empêcher de vous installer, on le fera. Mais ce n’est pas avec quatre gendarmes que je vais pouvoir virer tout le monde. A l’extérieur du site, il y a aura des contrôles. Des permis vont sauter.»



Dialogue avec les gendarmes qui sont arrivés sur le site.

Vers 10 heures, des participants dialoguent avec les gendarmes arrivés sur place. Photo Julie Hascoët. Myop pour Libération

Autorisés à rester sur place pour décuver et ranger leur matériel, des teufeurs commencent à nettoyer le champ. Mais l’agriculteur aura à «ramasser quelques sacs-poubelle éventrés». Ce n’est pas la première fois que sa propriété est squattée pour une fête. «La première fois c’était il y a deux ans. Juste après une récolte de luzerne. Si le terrain est rendu propre, on ne va pas les empêcher d’aller dans la nature.» Alors que les sound systems sont démontés, soudain tout le monde se tait. Une minute de silence est observée à la mémoire de Mathéo, décédé en 2018. Pour Ras’Kass, «chacun a utilisé cette minute à sa manière. Elle est pour notre ami, mais aussi pour tous les autres qui ont quitté la grande famille de la free party».

Charles Delouche Envoyé spécial en Loire-Atlantique, Photos Julie Hascoët. Myop

source:

  https://www.liberation.fr/france/2019/0 … nd_1745066

lapin · Administrateur

14-08-19 19:06:55

11-07-11 · 13 872

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Très bien cet article au moins ils se sont déplacé... Bon on dirait plus un report au final.

Merci du partage.