La fête de la musique tourne à la ségrégation culturelle à Reims
Tout commence mardi 21 juin, jour de la fête de la musique, dans la ville de Reims. Là comme tous les ans des dizaines d'artistes en tous genres participent à animer la cité. Parmi ces groupes d'artistes un sound system techno qui manifestement dérange la municipalité, prête à tout pour les empêcher de participer aux festivités.
La fête de la musique soufflait cette année ces 34 bougies. Cet évènement devenu mondial doit permettre selon wikipedia et son instigateur Jack Lang, aux musiciens, amateurs notamment, de se produire bénévolement dans les rues et espaces publics. Avec certes des contraintes horaires ou de volume sonore ce qui semble normal mais devant permettre à tout à chacun de s'exprimer... En effet il n'est en général pas nécessaire de demander d'autorisation particulière, hormis pour les lieux les plus prisés (grande place, lieux très fréquentés...).
Mardi donc, à l'occasion de cette fête populaire, une association marnaise : "Sois jeune et tais toi" invitais un sound system local : les Noize Pollution, pour participer en installant une petite façade sous l'échangeur routier en bas de la rue Libergier. L'endroit est idéal, éloigné du centre-ville et de nombreuses habitations, sous un axe routier majeur participant à couvrir les hypothétiques nuisances... De plus ce même site avait déjà été utilisé lors de la fête de la musique 2014, sans problème particulier. Alors que le sound se monte, une première patrouille de la police municipale vient informer le collectif que la musique doit être coupée à 1 heure du matin, conformément à la décision prise par la municipalité pour cette édition. L'échange est courtois, et le collectif les informent que les horaires seront bien entendu respecter. La fête peut enfin commencer, il est alors 18 heures.
Installation sous l'échangeur routier avant le premier déménagement
Vers 19h une délégation de riverains accompagnés de personnes liées à la municipalité de Reims arrivent sur site, et demandent aux participants de plier bagage pour des raisons de sécurité. En effet le sound system s'est installé sous l'échangeur, le long du canal traversant Reims, et les risques de chutes ou d'accident sont trop importants pour laisser se dérouler la fête. Ils informent également les musiciens qu'ils peuvent néanmoins se réinstaller en centre-ville sans problème.Le collectif s'exécute alors, et commence à démonter la petite façade. A peine commencent-ils à remballer que trois véhicules de la police municipale arrivent. 12 policiers armés de Flashball, bombes lacrymogènes et tazer viennent veillé au respect des consignes, rompant ainsi avec le dialogue courtois qui prévalait jusqu'alors entre la municipalité et le sound system.
Quand la municipalité demande cordialement l'évacuation des lieux.
Le remballage ne traine pas, et les Noize Pollution décident alors de rejoindre le centre-ville en quête d'un endroit ou s'installer sans nuire outre mesure aux autres artistes venus profiter de la fête de la musique eux aussi. Destination le jardin de la Patte d'oie à quelques centaines de mètres de là. Ce petit parc propose en plus un petit kiosque, idéal pour installer régie, retour et offrir un endroit tranquille au public venu écouter ou découvrir une musique trop souvent décriée. Le son se remonte en quatrième vitesse et le public très hétéroclite commence à arriver, dans une ambiance bon enfant. Quelques lames de basses et quelques kick plus tard le jardin est alors investit en masse par les forces de l'ordre. Ces derniers se montrent alors beaucoup plus agressifs et enjoignent les Noize Pollution à couper la musique et à ranger le matériel sur-le-champ.Avant que la police n'intervienne, le public est bien présent
Pour justifier cette attitude plus qu'étrange un jour de fête de la musique, ces derniers font allusion à un hypothétique arrêté préfectoral interdisant la libre tenue d'évènement ce soir là sauf pour les détenteurs d'autorisations... Arrêté qu'ils seront bien entendus incapables de fournir lorsque le collectif leur demandera d'y jeter un œil, circonspect devant une telle attitude un soir de fête populaire. Pour clore la discutions les agents menacent alors de saisir le matériel de sonorisation afin de faire cesser le "trouble" alors que partout ailleurs dans Reims la musique résonne. Les agents municipaux repartent alors en espérant que les Noize Pollution se plieront à leurs injonctions de démonter leur matériel. Mais échauder par cette injustice ces derniers ne plient pas et continue de laisser tourner le sound system.
Vers 21h ce n'est pas moins d'une trentaine de policiers municipaux, 3 policiers de la BAC, 2 représentants des renseignements généraux et un responsable des animations de la ville de Reims qui investissent le Jardin de la Patte d'oie. Un peu plus et ils étaient plus nombreux que le public présent... Devant une telle pression, le crew n'a alors d'autres choix que de couper le son sous les sifflets du public, déçu de l'attitude de la municipalité. Les Noize Pollution sollicitent alors le responsable des animations pour savoir où pourraient-ils aller pour eux aussi pouvoir jouer pour cette fête de la musique, comme tous les autres groupes du centre-ville. Réponse de l’intéressé : " Vous n'êtes pas les bienvenus dans Reims, ou que vous allez, nous vous virerons. On ne veut plus de vous dans Reims."
Résigné et sous la menace d'une saisie, le sound sytem plie alors bagage, sans possibilités de médiation avec la municipalité, ni volonté d'offrir un espace d'expression à ces artistes. La municipalité a gagner, il n'y aura pas de Techno à Reims pour la fête de la musique... Après Privas dans l’Ardèche qui elle aussi avait revendiqué une fête de la musique sans techno "pour préserver la "philosophie" de l'événement", voici qu'une ville de quasi 200 000 habitants choisit de décider ce qui est admissible musicalement pour ces administrés et ce qui ne l'est pas.
Pour Micka des Noize Pollution cette situation est injuste: alors que ce week-end encore, ce n'est pas moins de 12.000 personnes qui se sont donné rendez-vous en Bretagne, pour une fête aux couleurs de la techno. Alors que les organisateurs essuient de nombreux refus toute l'année lors de demandes d'autorisation. Alors que la techno subie une répression importante chaque week-end avec de nombreuses saisies, il n'est pas acceptable en France, en 2016, que la fête de la musique ne soit pas accessible à tous les genres musicaux. Il n'appartient à personne de juger ce qui relève de l'expression artistique et musicale tout comme il n'appartient à aucune municipalité de mettre en place une ségrégation culturelle entre musiciens et styles musicaux. L'égalité de notre devise ne s'arrête ni aux portes de Reims, ni à celle de Privas.
Afin de faire passer ce message l'association Sois jeune et tais-toi sollicite dans un premier temps un entretien avec les services de la mairie. En cas de refus de les recevoir, une manifestation revendicative à Reims dans les prochaines semaines sera organisée et des actions plus underground pourraient également voir le jour, afin de montrer à tous que personne pas même des municipalités rétrogrades n'arriveront à faire taire le collectif et la freetekno.
Merci à Micka pour sa confiance et à tout ceux qui ont pris des photos et vidéos.